Pourquoi faut-il lire « Ave Maria » de Sinan Antoon?

Prix de la littérature arabe 2017 pour son ouvrage Seul le grenadier, cet auteur irakien ayant émigré aux Etats-Unis après la Guerre du Golfe de 1991, est également connu pour Ave Maria, son dernier roman sur la communauté chrétienne d’Irak, et plus particulièrement sur le moment douloureux où celle-ci fuit le pays – après l’invasion américaine de l’Irak en 2003 – pourtant enracinée là-bas depuis deux millénaires.

Prix de la littérature arabe 2017 pour son ouvrage Seul le grenadier, cet auteur irakien ayant émigré aux Etats-Unis après la Guerre du Golfe de 1991, est également connu pour Ave Maria, son dernier roman sur la communauté chrétienne d’Irak, et plus particulièrement sur le moment douloureux où celle-ci fuit le pays – après l’invasion américaine de l’Irak en 2003 – pourtant enracinée là-bas depuis deux millénaires.

 

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Après un attentat à la voiture piégée, Maha enceinte, fait une fausse couche et se réfugie avec son mari chez un parent proche, Youssef, un septuagénaire pétri du souvenir d’un Irak en paix. Un dialogue s’établit entre ces deux principaux personnages du roman, Youssef et Maha, témoins de deux générations différentes d’Irakiens, celle des nostalgiques acharnés refusant de quitter Bagdad, et celle qui rêve de fuir loin et tout de suite l’horreur du présent.

«Tu vis dans le passé, mon oncle !», formule Maha à l’attention de Youssef d’un ton irrité en sortant soudainement de la salle de séjour. Ainsi commence le récit déroulé sur 24h, et dans lequel s’entrechoquent de saillants monologues. Quel avenir pour l’Irak ? Le débat fait rage entre les représentants de ces deux générations aux vécus sensiblement différents.

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Youssef est témoin de cet Irak de tolérance où les différentes communautés confessionnelles vivaient en harmonie. Ayant conscience des difficultés considérables que traverse son pays, il refuse obstinément de le quitter, contrairement à de nombreux autres chrétiens résolus à l’exil. Il vit dans l’espoir et l’illusion que «les choses commencent à se tasser, (que) le bien revient, tout doucement».
De son côté, Maha n’a pas connu la période d’éclat antérieure à la dictature de Saddam Hussein et ne songe qu’à s’enfuir à l’étranger le plus rapidement possible. Selon elle, l’Irak est devenu un pays invivable pour les chrétiens. De son enfance, elle garde de terribles souvenirs comme l’enlèvement puis le meurtre de l’un de ses oncles. Menaces et attentats contre les chrétiens illustrent le quotidien de l’Irak post-invasion américaine et chute du régime.
A tour de rôle, ils se racontent leurs histoires tout en racontant l’histoire de leur pays, déchiré et meurtri. La petite dans la grande histoire, c’est ainsi que ce roman soulève des problématiques universelles comme le mariage mixte, avec l’anecdote de Youssef, empêché dans sa jeunesse d’épouser une Irakienne musulmane. Malgré les nombreux drames dont son pays est affligé (la guerre Iran-Irak, la première guerre du Golfe, l’embargo, l’invasion américaine, la montée du sectarisme, du djihadisme et du terrorisme), il continue de vivre dans la maison familiale, toujours digne, en hommage aux jours heureux du passé. Ce n’est pas le cas de la plupart de ses frères et sœurs, émigrés pour s’éloigner des désastres à répétition.