Réfugiée syrienne, elle parcourt 2 000km en fauteuil roulant

La Syrienne Nujeen Mustafa n’en est pas à un défi près. Vivant maintenant en sécurité à Cologne, la jeune fille de 17 ans s’est fixé un nouvel objectif : prouver que la chancelière Angela Merkel était dans le vrai en ouvrant son pays aux réfugiés en 2015, année au cours de laquelle 890.000 d’entre-eux sont arrivés. 

« Nous allons faire de notre mieux pour prouver à tout le monde que l’Allemagne avait raison depuis le début », assure-t-elle à l’AFP lors d’une interview par Skype depuis l’appartement qu’elle partage avec ses deux sœurs.

Son histoire est si remarquable que même la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, la considère comme une source d’inspiration. « Elle dit que je suis son héroïne ce qui est un peu bizarre pour moi parce que c’est elle qui a montré que les filles peuvent changer le monde », s’étonne Nujeen.

Atteinte d’infirmité motrice cérébrale, la jeune syrienne relate son difficile périple jusqu’à l’Europe dans des mémoires émouvants, co-écrits avec la journaliste britannique Christina Lamb. 

Cet ouvrage, qu’elle présente jeudi à la Foire du livre de Francfort, est une tentative de donner un visage humain à la vague de réfugiés en Europe.

« Les gens pensent à la crise syrienne comme à quelque chose qui se passe très loin d’eux et dont ils ne devraient pas s’occuper », regrette-t-elle, « j’espère que (ce livre) aura un impact sur au moins une personne ». 

« Pardonne-moi Syrie »

Simplement intitulé « Nujeen », l’ouvrage commence aux premiers jours de la guerre en Syrie et raconte l’escalade de la violence jusqu’à ce que la famille se voit obligée de partir.

« Pardonne-moi Syrie », murmure la jeune fille en franchissant la frontière avec la Turquie. Trop âgés pour voyager, ses parents s’arrêtent là, laissant Nujeen et ses sœurs partir pour l’Allemagne. 

L’adolescente détaille ensuite le terrifiant voyage en bateau jusqu’à la Grèce. A la barre, son oncle applique ce qu’il a appris sur YouTube tandis qu’elle craint que les autres passagers ne veuillent jeter son fauteuil roulant par-dessus bord. 

Une fois à terre, ils doivent composer avec des passeurs malveillants, des camps de réfugiés surpeuplés et des frontières fermées. Mais il y a aussi des moments de solidarité, comme lorsque d’autres migrants aident Nujeen à passer les obstacles en soulevant son fauteuil. 

Pour elle qui sortait si peu de son appartement à Alep, ce périple d’un mois représente une aventure. « Pour la première fois », elle se sent utile : l’anglais qu’elle a appris en regardant « Des jours et des vies » est soudainement d’une grande aide. 

Interviewée tout au long du chemin, elle devient même une sorte de célébrité, étonnant les journalistes avec son rêve de devenir astronaute.

Nous sommes des invités

Depuis qu’elle est arrivée en Allemagne en septembre 2015, Nujeen va à l’école, et ce pour la première fois, elle s’est fait des amis et s’est mise au handibasket.

Alors que la méfiance monte dans le pays envers les réfugiés, Nujeen affirme que ce climat n’a pas changé sa haute opinion des Allemands. 

« Je peux comprendre pourquoi certaines personnes peuvent être effrayées », reconnaît-elle. Les réfugiés « devraient comprendre cela et respecter la culture et le mode de vie allemands. Nous sommes des invités et nous devons faire bonne impression ». 

Si elle pouvait s’entretenir avec Angela Merkel, elle lui dirait: « nous allons montrer au monde entier que le résultat de cette politique sera bon, vous pourrez en être fière et dire «Vous voyez, j’avais raison». »

Nujeen attend avec impatience la réponse pour sa demande d’asile, pressée de pouvoir rendre visite à ses parents. « Il faut être patient. C’est l’Allemagne, vous devez suivre les règles à la lettre », dit-elle.

Son rêve d’être astronaute est toujours d’actualité mais si la vie lui a appris quelque chose, c’est qu’il faut toujours un plan B. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour réaliser mon rêve mais si ça ne marche pas je continuerai à écrire pour devenir une vraie auteure », assure-t-elle, « j’ai beaucoup d’imagination. »