Confinement: rêve ou cauchemar pour les couples?

Assignés à résidence depuis le 20 mars dernier, certains couples, avec ou sans enfants, ont vu leurs liens se resserrer, alors que d’autres vivent le martyr.

Assignés à résidence depuis le 20 mars dernier, certains couples, avec ou sans enfants, ont vu leurs liens se resserrer, alors que d’autres vivent le martyr.

Le confinement pourrait constituer une occasion propice pour renaître et réinventer la vie de couple au sein « d’un huis clos totalement inédit », affirme dans un entretien à la MAP Mohcine Benzakour, psychosociologue.

La situation semble idéale pour les couples mariés, noyés d’habitude dans le quotidien et leur promet d’agréables retrouvailles, à condition de savoir jouer la bonne carte, estime Benzakour, appelant les couples à méditer et à nourrir leur relation, à communiquer davantage et à profiter de cette occasion pour redécouvrir le partenaire, notamment ce qu’il aime, ce qui le dérange et ce qui l’apaise.

Beaucoup de couples sont très absorbés par leurs projets professionnels, par l’extérieur, par ce qui est en dehors de leur couple. Hors sommeil, certaines personnes peinent à s’accorder du temps.

Selon ce spécialiste en programmation neurolinguistique, les couples disposent aujourd’hui de davantage de temps pour échanger et s’écouter. « En théorie, c’est le moment propice pour se rapprocher et pour installer l’empathie, l’entente et l’entraide, clés de réussite d’une vrai relation conjugale », relève-t-il.

Pour Zineb et Nabil, un jeune couple marié depuis cinq ans et parents d’un bébé de six mois, le pari semble être gagné. « Entre peur et inquiétude, la situation a été lourde pour nous au début mais à peine une semaine tout est rentré dans l’ordre », nous confie en visioconférence cette belle maman, vêtue d’un joli pyjama en soie bleu roi et portant un ravissant ruban blanc qui met en valeur sa chevelure noire.

Se rapprocher

La jeune femme, âgée de 35 ans, se félicite de l’attitude positive de son mari qui l’a aidé énormément à dépasser ses craintes, exacerbées par le déséquilibre hormonal dû à l’accouchement et l’allaitement, et à gérer le quotidien du bébé et du foyer.

« De la grossesse à la fin du congé de maternité, passant par un accouchement difficile, ma femme allait déjà mal ces derniers temps. L’annonce du confinement a amplifié ses angoisses et son stress. D’où ma décision de prendre les choses en main, de l’aider et de la soulager », raconte Nabil qui berçait au même temps sa petite fille, bien calme dans sa balancelle de princesse.

Le jeune père de famille, commercial de profession, assure que le confinement lui a permis de se rapprocher davantage de sa femme et de passer plus de temps avec elle.

« Avant, je me déplaçais beaucoup en raison de mon travail, ce qui m’empêchait d’être souvent avec Zineb. La quarantaine a fait notre bonheur. Nous communiquons plus et nous partageons plusieurs activités, surtout après le sommeil de la petite », affirme-t-il avec un ton joyeux.

« Le confinement a été une occasion d’or qui a sauvé notre couple », lance la jeune femme avec un sourire suave et un regard pétillant.

Toutefois, la situation est loin d’être aussi facile à gérer! Il faudra, en effet, prendre en compte plusieurs facteurs socioculturels et relationnels qui, « dans l’absence d’une action raisonnée de la part des deux partenaires, peuvent engendrer un confinement infernal susceptible de faire exploser le couple à la fin de l’examen », alarme Benzakour.

Intimité détériorée

L’homme au café et la femme à la maison, la majorité des couples, même les plus jeunes, ont tendance à vivre séparés pendant leur temps libre, « ce qui est loin de ressembler à une vrai vie de couple », note-t-il, jugeant qu’une grande partie des Marocains, fraîchement mariés ou depuis des années, ne sont pas arrivés à créer le couple et échouent à être ensemble même en temps normal.

Le psychologue relève, dans ce sens, que le confinement ne fera que décupler cette situation préexistante. « Si on cherchait par exemple à s’éviter, alors que la conflictualité était très élevée, le confinement est justement un contexte qui exacerbera les tensions et engendrera un stress négatif, pouvant dégénérer en violence verbale et physique », met en garde Benzakour.

Loin des facteurs socio-culturels, l’expert fait savoir que le manque d’épanouissement sexuel pendant cette période inédite pourrait éloigner le couple et alimenter davantage le stress, expliquant que les couples ont vu leur intimité se détériorer à cause du confinement.

Les enfants sont omniprésents à la maison et puis la femme est appelée à gérer une série de tâches ménagères, surtout pendant ce deuxième mois du confinement qui a coïncidé avec le mois du Ramadan. Comment peut-on parler d’une vie de couple dans une situation où la femme est surexploitée?, s’indigne Benzakour.

« Je suis consciente de l’importance du confinement pendant cette période de pandémie, mais j’avoue que je le supporte à peine. Mon mari est devenu insupportable! », s’insurge Sanae, une jeune de 42 ans.

Avec un teint terne, une mine grisâtre et des cernes autour des yeux, la jeune maman de deux enfants se plaint que son mari passe toute la journée dans l’oisiveté à chercher ses petits défauts. « Rien ne lui plait. Il ne cesse de me critiquer alors que je fournis un effort colossal pour assurer la cuisine, l’entretien de la maison et l’enseignement des enfants », dit Sanae.

Dotée d’une grande patience, elle dit que malgré le comportement de son conjoint, elle a fait beaucoup d’efforts pour apaiser le climat général et gagner plus de sympathie de sa part mais en vain. « Dès le premier jour, il s’est isolé dans un coin dans le salon avec son smartphone et son ordinateur. Il s’endort pas mal de fois là-bas en face de la télévision », lance-t-elle avec une voix cassée.

En dépit de l’attitude de son conjoint, Sanae continue à gérer les responsabilités de son foyer et à prendre soin de ses enfants afin d’aider ses bout de choux à dépasser cette période.

Malheureusement plusieurs hommes conçoivent ce confinement comme un fardeau dans le sens où ils sont obligés de rester à la maison « face à leurs femmes », ce qui fait de cette quarantaine une expérience « très lourde » avec de potentielles répercussions négatives sur le couple, explique le psychologue.

Selon lui, tout dépend de la conception que fait le couple du confinement: soit comme une occasion de rêve pour donner un nouveau souffle à la relation ou comme une charge « lourde insupportable » qui pourrait dégénérer en « vraie crise de couple ».