Non mariés, non grata

Être marié ou pas, telle est la question. C’est surtout celle que se posent beaucoup de jeunes vivants en concubinage. Amoureux, heureux, ils ont fait le choix d’attendre un peu (ou longtemps) avant de convoler en justes noces. Installés dans une sorte de «mariage à l’essai», ils prennent le temps de connaître… ou de constituer le bas de laine nécessaire avant le passage devant l’Adoul. Ce faisant, ces couples sont parfaitement conscients des risques qu’ils encourent en défiant le leitmotiv clamé en chœur par les réceptionnistes d’hôtel, les agents immobiliers et autres voisins : «Vous êtes mariés ?». Leurs armes? Une ribambelle de ficelles destinées à éluder toute suspicion. Et ça marche! Tour des plus probantes, témoignages à l’appui.

Vous êtes en recherche d’un appartement

«Bonjour, j’appelle au sujet de l’appartement à louer. – Bien, c’est pour vous ? – Oui. – Vous êtes seule ? – Non, nous sommes deux. – C’est votre mari ?» Cet échange, typique voire systématique dans le contexte de la course aux appartements, est le lot commun des nouveaux concubins qui s’y collent en frisant la crise de nerfs. «Il y a ceux qui vous raccrochent au nez, ceux qui vous insultent et ceux qui vous font la morale », énumère Imane, plongée dans sa quête d’appart’ depuis des mois.

Cette jeune cadre et sa douce moitié ont égrené les semsars et autres agents immobiliers, se voyant à chaque fois obligés de donner moult détails sur leur statut. «Nous avons expliqué que nous étions fiancés, que notre mariage était prévu cet été mais que nous souhaitions déjà commercer à emménager. Ça a fini par payer », poursuit la jeune femme. «Je n’avais jamais ressenti un tel sentiment d’injustice, de hogra », renchérit Maria en se remémorant les nombreuses visites pour trouver sa future maison Le bon plan: Privilégier le bouche- à-oreille, se renseigner sur la reprise d’appartements d’autres couples d’amis. S’il le faut, évoquez que souhaitez co-louer avec une amie, une cousine, une sœur…

Vos voisins vous narguent

Vous pensiez avoir réussi les douze travaux d’Hercule avant de pouvoir emménager, et vous voilà prête à cocooner… Mais c’était sans compter avec la cinquantaine de voisins à la curiosité maladive. «Depuis que nous avons emménagé, chaque fois que je croise notre voisine de palier, elle me lance d’un sourire railleur: « Comment va ton cousin ? » Et, systématiquement, à mon ami, elle dit d’un air entendu, pour insister sur le fait qu’elle a compris que nous n’étions pas mariés: « Comment va ta sœur ? »», raconte Sanaa, qui ne se laisse pas démonter pour autant. D’autres, sous la pression du risque de dénonciation, ont fini par céder de guerre lasse: «Nous avons dû quitter le quartier de mon ami, populaire il est vrai, pour le Maârif. Depuis, curieusement, plus personne ne semble s’intéresser à notre cas», confie Loubna. Le bon plan: Ne pas hésiter à saluer poliment voisins et amis des voisins, sinon vous pourriez finir par susciter une malsaine curiosité et constater que votre concierge fait de l’excès de zèle pour se faire bien voir du syndic. Option encore plus radicale? Porter de fausses alliances, recevoir d’autres couples pour laisser à croire que vous vivez dans la légalité.

Vous vous baladez main dans la main

Il est 5 heures, Casa s’éveille. Et les policiers veillent. Vous sortez de boîte de nuit et quelques verres de trop ont presque eu raison de votre équilibre. Quoi de plus naturel dans ce contexte que de donner le bras à votre homme? Erreur fatale, qui peut faire de vous une cible toute trouvée pour tout flic pressé de vous intimider d’un menaçant «Tu te crois en Suède?». Amoureuse des balades romantiques, Samira a dû y renoncer, contrainte. «J’ai dû dire adieu aux promenades main dans la main, car j’en ai eu assez de devoir graisser des pattes pour ça!» Certains couples, notamment ceux qui se garent en front de mer, sont parfois bien obligés de passer par la case «On peut s’arranger» s’ils ne veulent pas finir, les yeux dans les yeux, avec un policier moralisateur. Le bon plan: Évitez au possible les démonstrations enflammées en public et trouvez le moyen de «s’arranger». Mais prudence: attendez que la proposition «d’arrangement» vienne d’abord de votre interlocuteur.

Vous vous adressez à un hôtelier

Vous prévoyez des vacances, organisez vos agendas, posez vos congés, hésitez entre plage et randonnée, et choisissez finalement une destination… Vous abordez alors le « tournoi du Grand Chelem»: l’hébergement. «Ce fut mon premier choc en rentrant au Maroc après mes études à l’étranger. En week-end à Marrakech avec ma petite amie, je me dirige naïvement vers un hôtel et demande une chambre. Le réceptionniste me lance, laconique : « L’acte! ». Le temps de comprendre et d’argumenter, il menaçait déjà d’appeler la police», se souvient Younès, qui préfère depuis l’option de la location d’appartement. «Une fois, nous avions pris deux chambres pour éviter les soucis,et  mon fiancé m’avait rejoint le soir. Le réceptionniste a alors téléphoné pour exiger qu’il regagne sa chambre!», raconte, aujourd’hui avec le sourire, Amal. Le bon plan: «Pour éviter de négocier avec le réceptionniste, souvent très tatillon, mon ami prend une chambre à son nom, puis, après avoir glissé un billet dans la poche du portier, je peux le rejoindre», confie Fouzia. «Il faut tabler sur des établissements haut de gamme, 4 étoiles minimum, ils se formalisent beaucoup moins», ajoute Malika, du haut de ses 4 ans de fiançailles. Autre astuce, se refiler entre copines les adresses d’hôtels peu regardants. Opter aussi pour des ryads tenus par des étrangers, plus amènes à l’égard des jeunes couples en quête d’un peu de tranquillité.