“Oui, à l’Amour réaliste”

Et si les jeunes filles ne rêvaient plus au prince charmant ? Si leurs aînées leurs avaient confié leurs tumultes et leurs ruptures, les mettant en garde contre un mythe devenu désuet ? Le contrat de rupture est désormais intégré dès le premier baiser. Place à l’ère de l’amour réaliste, entre pragmatisme et désillusion.

 

Romantisme oui, cécité non merci !

 

Les films, les chansons, les romans et autres contes de fées avaient jusque là largement contribué au mythe de l’amour extrême. Un amour qui était une fin en soi… Il rendra aveugle tout en assurant une fin heureuse accessoirisée d’enfants, de petits-déjeunes familiaux, d’un break et d’un chien type labrador. Au diable ces mièvreries ! Aujourd’hui, le divertissement se veut tout aussi réaliste que possible. A l’instar du film « La la land », qui malgré un univers d’apparence propice à la béatitude, se termine sur une rupture. Autant dire que « Ils vécurent heureux pour toujours » n’est plus cool comme le souligne un article du New York Magazine.

 

 

Les âmes sœurs et Tinder.

 

Aujourd’hui, avec les sites de rencontres on croit fermement à une approche quantifiable et mesurable de l’amour. Le tout repose sur des algorithmes calculés sur la base de centre d’intérêts, d’activité, de caractéristiques physiques qui permettent d’offrir aux adhérents une multitude d’âmes sœurs potentielles. A l’heure de Tinder, peut-on encore prétendre à un amour autre qu’intéressée ? Non. Les réseaux sociaux contribuent largement à cette prise de conscience. Finit le temps où la découverte et le mystère régissaient les rencontres amoureuses. Aujourd’hui, on sait tout sur l’autre avant de l’avoir rencontré. On peut donc se forger un avis, il n’y a plus de place pour l’effet surprise. On évalue le partenaire potentiel sur la base de ses likes, de ses photos de profils, de son CV et de son entourage.

 

 

L’appréhension du divorce.

 

Combien même certains seraient tentés de croire en un amour omnipotent et surtout indestructible… il leurs suffiraient de constater la flambée du taux de divorces pour être désenchantés. Emancipation de la femme, nouvelle Moudawana ou montée de l’individualisme, tous ces facteurs ont contribué à ce phénomène bien réel. Au Maroc, comme ailleurs, on ne reste pas ensemble sous prétexte de vouloir protéger le sacro-saint cocon familial. Les femmes, comme les hommes, misent d’autant plus sur leur bien-être personnel que sur une vie bâtie sur des hchoumas et autre hrams. Cela veut-il dire que les gens ne se marient plus ? Pas du tout. Ceci dit, ils abordent la décision de mariage en prenant en compte des données plus réfléchies et moins romantiques. Ils prennent le temps de vivre ensemble, de tester les limites de l’autre et souvent même de s’adonner à une négociation chiffrée de qui achètera quoi et qui assumera qui. La question du salaire de l’un et de l’autre est souvent abordée dès les premiers rendez-vous. Un réflexe qui manque de subtilité mais qui tend à une prise de décision raisonnable afin, justement, d’éviter le divorce.

 

Une lucidité, une maturité.

 

Force est de constater que la génération des 18-25 ans est très lucide. Un leitmotiv revient souvent dans leurs discussions : « On est ensemble mais on ne se prend pas la tête ». Ce qui signifie que ces jeunes admettent la relation amoureuse tout en rejetant l’idée de passion destructrice. Ils ne veulent aimer que dans l’instant et que tant que cela n’empiète pas sur leurs projets, leur carrière et surtout leur tranquillité d’esprit. Autant dire que les jeunes couples d’aujourd’hui sont très prudents et donc extrêmement matures. Ils font la part des choses. Ils sont plus clairvoyants que leurs parents. Et c’est là l’aspect positif de cette mutation des rapports amoureux. On repousse l’idée de relation fusionnelle au profit d’une dualité complémentaire ou chacun serait épanoui et respecté dans toute son individualité. C’est un amour réaliste qui donne toute son importance au respect de soi et de l’autre. On ne se force pas à changer pour l’autre, on cherche celui avec qui on pourra être soi-même. C’est une attitude saine et qui peut même contribuer à la longévité du couple. D’ailleurs, ça évite le fameux «tu as changé» !