Où sont donc passés les hommes?

Au siècle dernier, l’homme avait une mâchoire carrée, de grandes épaules solides, un regard droit et une fiabilité à toute épreuve. Au cinéma davantage que dans la vie réelle. Néanmoins, le 7ème art avait de sérieuses vertus pédagogiques, l’homme viril était un modèle de construction dans l’inconscient collectif. Dans les faits, cet homme là était protecteur et, parfois, souvent même dominateur à l’égard de la femme. Macho, n’ayons pas peur du mot. Pour peu qu’il soit de tempérament sympathique, il était alors le meilleur partenaire d’une vie de couple hétérosexuelle. Pour peu qu’il soit colérique, il avait avec lui les mentalités, le droit, l’assurance qu’il était normal d’être violent physiquement ou psychologiquement à l’égard d’une femme. Un Women’s Lib plus tard et quelques lois égalitaires dans les seventies en Occident jusqu’à la réforme du Code de la Famille en 2003, l’égalité des sexes devant la loi est une tendance forte dans l’Histoire. Et c’est tant mieux, cela va de soi.

Malmenés nos hommes ?

Bon joueur, l’homme dans sa dimension symbolique a suivi cette évolution moderne de la société. Quelques décennies plus tard, il n’est plus possible d’être une nano seconde, socialement, l’homme de « Mad Men ». Ce serait aussi anti-politically correct que d’être raciste. En ce sens, l’avancée égalitariste a balayé le sexisme aux dépens, souvent, de la virilité qui, elle, peut-être vitale dans un rapport homme-femme. Si le genre est une construction culturelle alors peut-on affirmer, de façon décomplexée, que la masculinité vit sa première grande crise identitaire. Le positionnement face à une féminité égalitaire n’est pas encore au point: comment éviter une dilution de sa virilité dans la féminité lorsque l’on renonce aux stéréotypes des sexes? Rien n’aide vraiment les hommes, pour ce faire. Ni le marketing, ni la mode, ni les loisirs, ni la représentation sociale qui, au contraire, l’obligent à investiguer le champ féminin pour être l’homme idéal, bien sous tout rapport. Résultat: hormis quelques bienheureux qui trouvent leur équilibre dans cette nouvelle dimension de soi, beaucoup d’hommes se sentent mal dans leur peau car, en représentation, pour répondre à des attentes souvent contradictoires du clan en face : sois tendre mais fort, sois mon égal mais pourvoie aux frais du ménage, sois père mais sexy en même temps, etc. Les double-injonctions qui ont parsemé la féminité durant des siècles jusqu’à ce que son corset éclate se retrouvent au coeur de la crise identitaire masculine.

L’égalité devant la loi ne veut pas dire obligatoirement l’effacement de certaines assignations culturelles à chacun des genres sous peine d’une chute de désir, d’une flemme d’aimer, d’une impuissance au partage dans une période aussi individualiste que narcissique. En 2016, dire « Où sont les hommes? », c’est chercher ( et ne pas trouver) en l’homme, une architecture solide, un être construit assumant ses forces et ses fragilités en connaissance de cause. Il y a plutôt une multitude de Peter Pan en cols blanc qui jouent aux mecs deltoïdés et qui ont la consistance mentale d’un enfant cherchant plus souvent une mère nourricière plutôt qu’une  partenaire. Pas étonnant que l’amour dure alors trois ans et que les divorces soient en hausse. Les femmes s’éloignent de la maternité et savent pertinemment que celle-ci est le tue-l’amour, le tue-désir, le tue-libido le plus efficace qui soit dans leur rapport intime avec un homme. Le couple qu’il soit traditionnel ou se cherchant dans  sa propre modernité est le premier à pâtir de toutes ces attentes et illusions perdues.

Au placard les stéréotypes !

Dans cette mutation anthropologique, l’identité masculine doit certes affiner les aspérités grossières d’une virilité péremptoire pour en garder l’organique force nécessaire au désir. La fameuse pulsion de vie. Et ce, de façon décomplexée. Tant pis pour les belles images en vigueur où la moindre activité un peu « ec » est taxée très vite de « beaufitude ». Assumer son goût de la crème du jour comme celui de la chasse au sanglier. Assumer les joies de la paternité et le goût du X. Assumer la joie de cuisiner comme celle de décréter sacro-sainte la soirée foot du Barça. Exemples clichés, pas tant que cela. Articuler les contradictions de façon relativement transparente permettent le mieux-être face à l’autre. Etre iconoclaste et accepter que sa partenaire, épouse ou même collègue de bureau le soit est signe de sortie de crise. Les mutations du genre n’obligent plus, et c’est heureux, à un rôle unique et stéréotypé. L’époque permet d’être un peu fractal sans perdre son intégrité. Bref, passer du macho violent au Peter Pan immature n’était pas vraiment le projet du féminisme.  En place d’une reconduction des stéréotypes traditions incompatibles avec nos vies urbaines du 21ème siècle, il s’agit donc de se re-créer une masculinité en n’occultant en aucun cas, certains fondamentaux. Ce n’est pas l’homme qui a été amputé lorsque les femmes ont revendiqué l’égalité mais la violence en l’homme. Une nouvelle forme de masculinité se construit, plus assumée, plus ouverte et nettement plus tolérante pour quelques uns d’entre eux. Rencontre avec des hommes qui n’ont pas peur de l’être.