Procès du leader de la contestation dans le Rif à Casablanca

Le procès de Nasser Zefzafi, leader de la contestation populaire dans le nord du Maroc, débute lundi à Casablanca alors que les manifestations ont quasiment cessé mais que les militants restent mobilisés pour « la libération des prisonniers ».

 

 

 

Emprisonné depuis la fin mai pour avoir interrompu le prêche d’un imam dans sa ville d’Al-Hoceïma, Zefzafi doit passer en milieu de matinée devant les juges de la chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca.

 

 

Le chef du « hirak » (la mouvance, nom donné localement à la contestation), aux harangues enflammées dénonçant « l’Etat corrompu », fait face à de lourdes charges, notamment « atteinte à la sécurité intérieure ».

 

 

 

Depuis la mort atroce d’un vendeur de poisson broyé accidentellement dans une benne à ordures fin octobre, ce chômeur de 39 ans menait la fronde contre le « makhzen » (pouvoir), au nom de sa région natale du Rif.

 

 

 

Pendant près de huit mois, la petite ville d’Al-Hoceïma et la localité voisine d’Imzouren ont vibré au rythme de manifestations pacifiques, rassemblant parfois des milliers de personnes, pour le développement d’une région historiquement frondeuse, qu’elles jugent marginalisée et négligée.

 

 

 

La relance par l’État d’un vaste plan d’investissements et de chantiers d’infrastructures –avec des visites répétées de cohortes de ministres– n’a toutefois pas suffit à désamorcer la colère.

 

 

 

Le mois de mai a été marqué par un net durcissement des autorités dans la gestion des manifestations, de plus en plus réprimées par des forces de l’ordre désormais omniprésentes dans la province.

 

 

 

Dans la foulée de l’arrestation de Zefzafi, la totalité des leaders et figures connues du « hirak » ont été interpellés. Les heurts se sont également multipliés, les policiers tentant tous les soirs d’empêcher ou de disperser les rassemblements de soutien aux prisonniers du « hirak ».

 

 

Selon un dernier bilan officiel, 176 personnes ont été placées en détention préventive. Cent-vingt sont en cours de jugement, passibles de sévères condamnations allant jusqu’à 20 mois de prison.

 

 

Hirak à la plage

 

Sous la pression, peut-être aussi avec l’approche de la saison estivale, les manifestations ont finalement cessé début juillet.

 

 

 

Et la tension est retombée d’un cran avec le retrait des policiers de lieux publics emblématiques à Al-Hoceïma et Imzouren, une mesure décidée par le roi Mohammed VI, en signe d’apaisement, selon les autorités locales.

 

 

 

Mais le mouvement n’a toutefois pas totalement disparu, avec la poursuite d’attroupements improvisés de jeunes sur les plages, d’appels sur les réseaux sociaux et de concerts de casseroles ou de klaxons.

 

 

La « libération des détenus » est devenu le nouveau leitmotiv des protestataires, qui s’inquiètent en particulier du sort de Sylia Ziani, figure féminine du « hirak », aujourd’hui en « dépression grave » selon ses avocats.

 

 

Samedi soir, une manifestation de soutien à la jeune femme de quelques dizaines de personnes a été violemment dispersée à Rabat. Plusieurs personnalités de défense des droits de l’Homme et des manifestantes ont été frappées par les policiers, selon des images qui ont fait le tour des médias locaux.

 

 

 

Les autorités ont justifié leur intervention par le « refus d’obtempérer » des manifestants, ainsi que leur intention « préméditée de provoquer et d’agresser (…) les forces publiques ».

 

 

 

L’approche « sécuritaire » adoptée par les autorités reste très critiquée par les ONG et la société civile, mais également une partie de la classe politique.

 

 

 

Le patron de l’Istiqlal (parti historique de l’indépendance), Hamid Chabat, a ainsi demandé samedi la remise en liberté de Zefzafi et ses co-détenus, dont la cause était « pacifique » et les revendications « économiques et sociales ».

 

 

A l’image du Premier ministre Saad-Eddine El Othmani, les principaux partis du pays sont revenus sur leurs accusations de « séparatisme » contre le « hirak ».

 

 

 

La semaine dernière, des fuites dans la presse d’un rapport du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), un organisme officiel, ont été transmises à la justice. Ces expertises médicales ont été catégoriquement démenties par la police.

 

 

Dimanche, un « comité des familles des détenus » a demandé l’ouverture d’un enquête sur ces allégations de mauvais traitements, et a de nouveau appelé à la libération des détenus, en premier lieu de la jeune Sylia Ziani « dont l’état de santé s’est détérioré ».