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Reportage de France 3: la montagne qui accouche d’une souris…

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Le reportage sur le roi Mohammed VI, intitulĂ© « Mohammed VI, le rĂšgne secret » a enfin Ă©tĂ© diffusĂ© sur France 3. En l’espace d’une heure, le rĂ©alisateur Jean-Louis PĂ©rez a discrĂštement, indirectement, tentĂ© d’écorcher l’image du royaume, de son rĂ©gime et de son souverain, sans pour autant tomber dans la « mĂ©chanceté » Ă  laquelle on s’attendait. On a eu ainsi affaire Ă  un film trĂšs « français » aux nombreux sous-entendus et allĂ©gations souvent inutiles et sans preuves. Le tout est agrĂ©mentĂ© de rares piques insensĂ©es contre le Maroc. De l’enfance du roi Ă  son Ă©ducation en passant par les maux du pays, le reportage n’a pas vĂ©ritablement choquĂ©, comme le laissait prĂ©sager son buzz depuis l’annonce de sa diffusion.
 Certains passages laissaient mĂȘme croire que le rĂ©alisateur avait du mal Ă  meubler son film. Le choix des intervenants, lui, ne respectait aucune dĂ©ontologie journalistique. Ce sont des journalistes, des ex-militaires ou encore des hommes d’affaires connus pour leurs positions anti-rĂ©gime. OĂč sont les autres? S’il faut parler de succĂšs, on retient que PĂ©rez a tout de mĂȘme rĂ©ussi Ă  duper les Marocains, Ă  leur faire croire que son reportage fera trembler le rĂ©gime. Il n’en sera rien. Le fils de feu Hassan II en sort gagnant, le Maroc apparait comme un pays en plein essor et les mĂ©dias français se font passer pour de ridicules pions sans pouvoir, estimant que leur pays est bien l’éternel tuteur du Maroc. La montagne a finalement accouchĂ© d’une minuscule souris


Miracle!    

PĂ©rez entame son film par l’enfance de Mohammed VI. Il dresse le portrait d’un jeune prince hĂ©ritier qui « peine Ă  trouver sa place » aux cĂŽtĂ©s d’un pĂšre autoritaire et Ă©crasant. En mauvais Freud (et Freud Ă©tait mauvais), le rĂ©alisateur fait Ă©tat des rapports tendus entre le pĂšre et le fils qui a bien du mal Ă  rentrer dans le moule. « Ses six heures de sport quotidiennes ne lui ont jamais fait oublier son destin de roi », commente-t-il avant de rediffuser la sĂ©quence oĂč le jeune Mohammed Alaoui disait vouloir ĂȘtre pilote. Six heures?
 Laissant de cĂŽtĂ© le prince hĂ©ritier, le reportage se penche de prĂšs sur Hassan II, le souverain qui a miraculeusement Ă©chappĂ© Ă  deux tentatives de coups d’Etat. Il aurait privĂ© d’argent son fils qui fuyait le milieu makhzĂ©nien en voyageant. Et c’est Ă  son bras droit Driss Basri que revient la charge de surveiller le prince hĂ©ritier. Le bras de fer entre ce dernier et le prochain roi est bel et bien annoncĂ©. Oui mais oĂč est la nouveautĂ©? Mieux, le reportage dresse le portrait d’un souverain au fort caractĂšre, responsable des annĂ©es de plomb et vĂ©ritable tortionnaire en chef. N’en dĂ©plaise au reporter, l’Histoire est en train de rĂ©tablir Hassan II dans sa vraie dimension, celle d’un homme qui voyait loin. La dĂ©cision de rompre les relations avec la France suite Ă  la publication en 1990 du livre « Notre ami le roi » de Gilles Perrault a certes appuyĂ© cette image de monarque intraitable. Mais qu’est devenu Perrault?

Mohammed VI S.A

A la mort de Hassan II en 1999, son fils se retrouve Ă  la tĂȘte du royaume. Mais ce que le reporter ne sait pas, c’est que Mohammed VI Ă©tait prĂȘt. Un roi, c’est un mĂ©tier. « Si ses dĂ©buts n’étaient pas faciles, il a su faire retourner la situation Ă  son avantage quelques mois aprĂšs, Ă  l’aide, notamment, de Jacques Chirac, le prĂ©sident français de l’époque », suggĂšre le confrĂšre. Merci la France. Lorsqu’il prend ses marques, Mohammed VI instaure un vent de renouveau et confirme officiellement que l’Ă©poque Hassan II est rĂ©volue. Et cela est vrai. Il Ă©jecte les « intrus », Ă  l’instar de Driss Basri, s’affirme, construit sa propre image de roi proche de son peuple et offre des gages rĂ©els quant Ă  l’option d’un Maroc de dĂ©mocratie. Une dĂ©mocratie marocaine, authentique, nouvelle, exemplaire. Le reportage fait ainsi la liste des rĂ©alisations du jeune souverain: nouveau code de la famille, crĂ©ation de l’instance Ă©quitĂ© et rĂ©conciliation
 En mĂȘme temps, « il s’entoure de ses collĂšgues d’école et affiche son appĂ©tit pour les affaires ». « Il hĂ©rite du holding de son pĂšre et devient le premier businessman du royaume, affichant une fortune qui fait de lui l’un des hommes les plus riches du monde selon Forbes ».

 ParallĂšlement, le souverain lance de grands chantiers et infrastructures dans le royaume, Ă  l’instar du port Tanger Med, considĂ©rĂ© aujourd’hui comme l’un des plus grands ports de la MĂ©diterranĂ©e. Pour Ahmed Benchemsi, le fameux journaliste marocain dĂ©sormais arabophone et installĂ© aux Etats-Unis, Najib Akesbi, Ă©conomiste ou encore Abou Bakr El Jamai, Ă©galement journaliste, le roi utilise le levier du pouvoir pour favoriser ses affaires, un Ă©lĂ©ment majeur de l’économie de son pays. Et si c’Ă©tait l’inverse? Le fait est que le business royal est un modĂšle pour tout le tissu Ă©conomique marocain qui est, du reste, d’un dynamisme rarement vu dans toute la rĂ©gion.

Graciet 

Le film poursuit son semblant de portrait en accusant le roi de limiter la libertĂ© d’expression. Une thĂšse appuyĂ©e par Benchemsi, Jamai et Ali Mrabet qui « ont dĂ» fuir le pays Ă  cause du harcĂšlement du rĂ©gime ». « Notre rĂŽle de journaliste politique est de demander des comptes aux hommes du pouvoir. Au Maroc, on peut le faire, sauf quand il s’agit du roi. Il est intouchable », tranche Jamai. Le fait est que c’est un peu vieux, parce que mĂȘme sur des affaires supposĂ©es gĂȘnantes, comme le cas des Panama Papers, le palais rĂ©pond, explique et prouve toute sa bonne foi.

Le reportage revient par la mĂȘme occasion sur l’affaire de Catherine Graciet et d’Eric Laurent, accusĂ©s en 2015 de tentatives d’extorsions de fonds du Maroc pour ne pas publier un livre trĂšs critique sur la famille royale. Pour la premiĂšre fois aprĂšs l’affaire, Graciet rĂ©agit et donne sa version. « C’est le Maroc qui a fait le premier pas et nous a proposĂ© de l’argent. J’assume le fait d’avoir flanchĂ© de façon humaine face Ă  cette proposition. C’était un moment de dĂ©sespoir et je suis consciente que c’est minable. Mais mettez-vous Ă  ma place. Cela fait des annĂ©es que je mĂšne des enquĂȘtes sur le Maroc. Rien n’a changĂ© malgrĂ© tous les risques que j’ai pris. Aujourd’hui, Mohammed VI est plus prĂ©dateur que jamais », explique la journaliste. Le fait est que Graciet a acceptĂ©. Et c’est inacceptable.

« Aujourd’hui, le grand gagnant de l’histoire est bien le rĂ©gime marocain qui a montrĂ© que la presse française est corruptible (bonjour!). Nous avons perdu toute notre crĂ©dibilité », dit-t-elle. Le reportage passe de cette affaire au rĂŽle de l’armĂ©e dans le royaume et ses maux. Il dĂ©nonce une armĂ©e minĂ©e par la corruption avec, comme tĂ©moins, plusieurs ex-militaires dĂ©nonçant les injustices du rĂ©gime. Cette corruption ne concerne pas que l’armĂ©e mais tout le pays et serait, selon les intervenants, dĂ©sormais institutionnalisĂ©e. Ces derniers expliquent que le roi n’aurait pas le courage d’affronter cette problĂ©matique qui gangrĂšne le pays parce qu’il est occupĂ© Ă  gĂ©rer ses affaires. Ce que le reporter ignore, c’est que (rĂ©petons-le), un roi, c’est un mĂ©tier et non un superpouvoir. La corruption, elle, est endĂ©mique et tout Marocain le sait.

Le film se demande ainsi si le Maroc avance comme les affaires de son souverain. Que PĂ©rez soir rassurĂ©, la rĂ©ponse est oui. En attendant, il estime que Mohammed VI mĂ©rite plus que jamais son titre de « roi des pauvres », vu la misĂšre dont souffrent aujourd’hui les Marocains. MisĂ©rables les Marocains? Vraiment? MĂȘme Victor Hugo n’aurait pas souscrit Ă  cette thĂšse. En Ă©voquant la façon avec laquelle le souverain a gĂ©rĂ© le printemps arabe, le reportage a fait son maximum pour Ă©gratigner l’image du royaume. RatĂ©! Essayez encore. Et surtout, apprenez.

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