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Qui est Magda Mazarine Pingeot ?

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Fille de François Mitterrand disparu il y a 22 ans, Mazarine Pingeot vient de sortir son nouveau roman « Magda ». Dans ce nouveau livre, une mĂšre de 60 ans, apprend un jour que sa fille, Alice, est impliquĂ©e dans un attentat terroriste, qui visait des lignes de chemin de fer. Évoquant en creux l’affaire de Tarnac, l’auteur se serre de ce terreau pour faire pousser sa rĂ©flexion sur la transmission : Que donne la mĂšre Ă  son enfant ? ? Qu’en retient-elle ? ConnaĂźt-on nos enfants, nos parents..? Mazarine Pingeot entame Ă©galement une rĂ©flexion sur la notion de l’engagement. Avec d’un cĂŽtĂ© l’engagement intellectuel et de l’autre, le moment du passage Ă  l’acte. Magda c’est aussi la notion d’implication politique trĂšs forte entre une mĂšre et de la fille, Ă  diffĂ©rents niveaux.

Dans un entretien accordĂ© Ă  , Mazarine Pingeot nous parle de son engagement politique, de son regard sur les affaires qui ont bouleversĂ© l’actualitĂ© : Mouvement « Balances ton porc », « Affaire Pascale Mitterand- Nicolas Hulot », « Eviction d’une fille voilĂ©e d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©-crochet », « Les valeurs transmises par son pĂšre François Mitterrand, qu’elle inculque Ă  ses enfants mĂ©tisse etc


 

 

 Dans « ThĂ©a » votre roman paru en 2017, le thĂšme est le « secret » et le silence qui peut accompagner les vies des personnages. Vous explorez les ressorts de la transmission familiale entre une mĂšre rongĂ©e par le secret et sa fille, activiste passĂ©e du cĂŽtĂ© de la clandestinitĂ©. Quels ont Ă©tĂ© vos sources d’inspiration, pourquoi avoir choisi ce thĂšme ?

 

Il existe plusieurs sources. Il y a d’abord l’envie de travailler sur cet aspect du secret, qui est identitaire puisque le personnage central ne partage pas des Ă©lĂ©ments qui participent Ă  son identitĂ©. Et de ce fait, il me paraissant intĂ©ressant de voir ce qui se passe dans la filiation et dans la transmission quand il y des informations importantes qui restent secrĂštes et non rĂ©vĂ©lĂ©es.. C’est toujours autour de ces thĂšmes que je travaille et que je continue Ă  construire mes romans. C’est des thĂšmes qui viennent de l’enfance et pour lesquels je porte un grand intĂ©rĂȘt.

 

 

Dans « Magda » paru en 2018, inspirĂ©e de l’affaire Tarnac en CorrĂšze, vous racontez la façon dont « les secrets peuvent dĂ©truire des familles et en mĂȘme temps crĂ©er du lien », un thĂšme qui fait Ă©cho Ă  votre vie et les rapports que vous aviez avec votre pĂšre
Quelle est la part de « vous » dans ce roman ?

 

C’est difficile de dĂ©finir quelle part de soi, il y a dans ses romans. Il y a bien Ă©videmment une part de soi, car on est entiĂšrement dans ses livres par les rĂ©flexions qui sont posĂ©es, et ensuite dans l’histoire. C’est laborieux, de faire un tableau dans ce qui nous appartient et ce qui nous appartient pas. Ce ne sont pas des livres autobiographiques mĂȘme si il y des Ă©motions et des affects indubitablement que j’ai vĂ©cu que j’éparpille dans mes Ă©crits, mais ce ne sont pas les mĂȘmes scĂšnes. Je transpose une matiĂšre vĂ©cue, mais dans une histoire autre que la mienne.

 

 

Comment arrive l’écriture, est-ce vos histoires qui vous guident, ou l’histoire qui s’impose Ă  vous ?

 

Ça dĂ©pend. Les histoires s’imposent Ă  moi souvent. Ce n’est pas moi qui les construis de maniĂšre artificielle. D’une certaine maniĂšre, au dĂ©but je tiens quelque chose et aprĂšs ça se dĂ©roule, de maniĂšre assez cohĂ©rente sans que je t’intervienne. Il y a toujours un point de dĂ©part, un personnage que je souhaite mettre en avant plus qu’un autre, sur telle relation avec tel autre personnage. Ensuite, le rĂ©cit prends forme et les choses ont leur cohĂ©rence organique, je parle toujours des grands thĂšmes qui sont les miens, et partir de cela, se façonne l’histoire.

 

 

Dans ce dernier ouvrage, il est question aussi d’engagement politique, du choix de passer de l’engagement passif Ă  un engagement actif, une question que vous vous ĂȘtes posĂ©e Ă  un moment donnĂ© en tant que citoyenne engagĂ©e ?

 

Non je ne me suis jamais posĂ©e cette question. Je suis Ă  la fois engagĂ©e par mon mĂ©tier et par la transmission. En revanche, je ne suis pas engagĂ©e par la militance. Je n’ai pas un esprit militant. Je suis dans un questionnement, et de ce fait je peux douter facilement de ce Ă  quoi je peux croire. J’ai besoin d’ĂȘtre en retrait et d’avoir une autre forme de pensĂ©e, cela me correspond davantage. Chacun s’engage avec ses outils, et le mien est la transmission. C’est dans cette voix, ou je suis totalement engagĂ©e.

 

 

 

Magda, c’est aussi l’histoire d’une mĂšre qui fabrique sans le vouloir « une terroriste »  On ne peut s’empĂȘcher de penser Ă  l’histoire de ses familles de terroristes en France, de la souffrance d’une mĂšre face Ă  la sentence irrĂ©vocable d’une sociĂ©tĂ© accusatrice, en plus de celle d’avoir perdu un enfant


 

Bien sur ! Je suis complĂštement fascinĂ©e par ses aspects, du terrorisme et de l’engagement djihadiste et du lien familial avec l’entourage. Nous avons entendu des tĂ©moignages de mĂšres d’enfants qui Ă©taient partis combattre en Syrie. Je trouve cela passionnant socialement sociologiquement et humainement. Et trĂšs tragique aussi. Ces mĂšres sont dĂ©chirĂ©es par l’amour qu’elles portent pour leurs enfants et ce sentiment de ne plus les reconnaitre. On se pose toujours la question en tant que mĂšre de la notion de responsabilitĂ© et on ne peut pas ĂȘtre entiĂšrement et indĂ©finiment responsable de ce que devient son enfant qui acquiert son autonomie. Ces questions je les pose, mĂȘme si je n’ai pas forcĂ©ment les rĂ©ponses. Dans mes romans, j’aborde ces questions difficiles, et je montre qu’il y diffĂ©rents types de rĂ©ponses, et il n’y en pas une meilleure que l’autre. Dans Magda, je souhaitais Ă©crire sur la violence, et la maniĂšre dont elle se transmet par le silence. Une histoire sur trois gĂ©nĂ©rations, qui met en lumiĂšre des femmes traversĂ©es par leur Ă©poque et victimes aussi du monde qui les entoure. Il est question Ă©galement de destinĂ©e individuelle lorsqu’elle rencontre la destinĂ©e collective. Il s’agit de rĂ©flĂ©chir sur les consĂ©quences de ne pas assumer son propre hĂ©ritage et sa propre vie qui va crĂ©er des bĂ©ances que ce soit entre gĂ©nĂ©rations ou du point de vue nationale dans l’histoire. Quand l’histoire ne revient pas ou si elle reste silencieuse sur les pĂ©riodes sombres, cela crĂ©e des retours de reflet. C’est intĂ©ressant de mettre en lumiĂšre cette transmission ou cette non transmission qui crĂ©e de la violence.

 

 

 

Vous avez dĂ©cidĂ© de mettre en avant des femmes, qui subissent diverses violences intĂ©rieures et extĂ©rieures. Que pensez vous de l’affaire « Harvey Weinstein », des mouvements « Balance ton porc »sur les rĂ©seaux sociaux, versus « La tribune de Catherine Deneuve ».. Selon vous, les suites de cette affaire, risquent-elles d’entraĂźner des antagonismes entre femmes sur l’attitude Ă  adopter ?

 

J’espĂšre que non. C’est ce que cela a produit pour l’instant car il y a eu une sorte de libĂ©ration de la parole qui a donnĂ© lieu Ă  des excĂšs qui Ă©taient nĂ©cessaire. Cela a donnĂ© lieu aussi a des excĂšs de violence et de prise de position qui ont aussi empĂȘchĂ© la maitrise du dĂ©bat. A prĂ©sent, nous allons pouvoir avoir une vraie rĂ©flexion politique sur les inĂ©galitĂ©s, et les droits. Ce qui important c’est la question de la domination sociale et politique, il n’est pas question de crĂ©er une guerre entre les hommes et les femmes. Je ne me situe pas dans le dĂ©bat car je trouve que malheureusement il a Ă©tĂ© mal posĂ©. Il y a eu une rĂ©action trĂšs forte car il y a eu un silence trop long. A prĂ©sent il faut commencer Ă  construire une vraie rĂ©flexion politique.

 

 

En plein tourbillon « Weinstein », le nom Mitterrand a Ă©tĂ© Ă©voquĂ© par le magazine Ebdo, avec l’affaire de l’agression prĂ©sumĂ©e (Pascale Mitterand – Nicolas Hulot), que pensiez vous de cette mĂ©diatisation ?

 

Je trouve qu’elle a Ă©tĂ© trĂšs brutale et trĂšs mal faite. Les journalistes ont eu l’impression d’avoir eu un scoop, alors que Pascale ne voulait pas mĂ©diatiser l’affaire. C’est une fabrication mĂ©diatique, ce qu’on appelle un « coup ». Ce qui est dommage, car cela Ă©loigne de la vĂ©ritĂ© du problĂšme.

 

 

 

Que pensez vous de cette « nouvelle Úre » ou tout est sujet à polémique..« Une jeune fille de 20 ans de confession musulmane portant un voile a été violemment critiqué dans une émission de télé-crochet par rapport à des commentaires sur le rÎle du gouvernement dans les attentats etc.. On ne peut plus rien dire sans subir une forme de vindicte populaire ?

 

La violence verbale qu’a suscitĂ©e cette affaire Ă©tait trĂšs forte. Elle a dit des choses Ă  14 ans, qui sont le reflet de cette nouvelle gĂ©nĂ©ration, qui cherche Ă  comprendre, et qui est en phase de construction identitaire. Nous avons le droit de dire des « bĂȘtises », surtout Ă  cet Ăąge. L’intolĂ©rance Ă  laquelle elle a du faire face Ă©tait inexcusable, elle est adossĂ©e a une forme de politiquement correct, c’est inquiĂ©tant. Les gens qui la dĂ©noncent n’ont pas une vision trĂšs Ă©laborĂ©e de la sociĂ©tĂ© dans laquelle nous vivons. C’est de la violence qui crĂ©e de la violence.

 

 

 

Vous avez beaucoup soutenue Nathanael Le Bret, votre beau fils qui est artiste plasticien, lors de son exposition « Anthropologie » Ă  l’atelier Meraki. Vous ĂȘtes dans le partage et dans la transmission, pourquoi est ce si important pour vous ? C’est parce qu’on vous a pas soutenu Ă  vos dĂ©buts


 

En effet, je n’ai pas Ă©tĂ© soutenue. Mais cela s’inscrit aussi dans une problĂ©matique tellement particuliĂšre. J’essaie toujours de soutenir les gens que j’aime ou dont j’admire le travail. Parfois je peux faire des critiques quand je sens qu’il existe une imposture. En revanche, quand je sens un effort et quelque chose d’authentique, je ne vois pas l’intĂ©rĂȘt de critiquer, j’ai plutĂŽt tendance Ă  soutenir la crĂ©ation de la jeune gĂ©nĂ©ration. Aujourd’hui tout est sujet Ă  critique par certains mĂ©dias. J’ai Ă©tĂ© victime de ces critiques au dĂ©but de ma carriĂšre d’écrivain car on ne critiquait pas mes romans, mais moi en tant que symbole de quelque chose. On ne peut pas sortir de la sociĂ©tĂ© dans laquelle on vit pour s’occuper de l’objet de la critique. Il faut revenir aux textes aux romans aux films indĂ©pendamment de ceux qui les font mĂȘme si c’est parfois difficile d’avoir des prĂ©jugĂ©s.

 

 

 

Quels sont les valeurs qui vont sont chers transmis par votre pĂšre que vous inculquez Ă  vos enfants ?

 

La tolĂ©rance, et l’ouverture au monde. Il faut dĂ©passer les prĂ©jugĂ©s car c’est pernicieux, mĂȘme s’il y en a toujours qui se logent sans que l’on s’en aperçoive. Je reste vigilante par rapport Ă  cela. D’ĂȘtre libre, et pas ĂȘtre trop attachĂ© au regard de l’autre afin d’ĂȘtre le plus proche de soi mĂȘme. De s’estimer.

 

 

 

Avec des enfants métis Franco-marocains, que pensez vous de la montée du populisme, et de cette nouvelle atmosphÚre anxiogÚne qui rÚgne en France ?

 

Je trouve cela effrayant. Mais en mĂȘme temps je vis Ă  Paris, et je ne suis pas confrontĂ©e Ă  ces extrĂ©mismes qui prennent de l’importance. D’une certaine façon, nous vivons toujours dans une certaine mixitĂ©, c’est tout aussi inquiĂ©tant de voir des deux cotĂ©s, la montĂ©e de l’islamisme au Maroc que la montĂ©e du populisme en France. On va se battre pour que cela s’arrĂȘte. C’est important de donner aux enfants les armes assez tĂŽt pour comprendre le monde qui les entoure. Je ne sais pas ce qui va arriver, mais il y aura du nouveau, je reste optimiste. La mixitĂ© est une richesse, je suis confiante dans cette partie de la population.

 

 

 

Quelles relations entretenez-vous avec le Maroc et plus globalement avec le continent africain ?

 

J’aime beaucoup le Maroc. Mais la position des femmes m’a toujours posĂ© problĂšme pas de maniĂšre idĂ©ologique. Dans certains endroits, de pas ĂȘtre libre de ces gestes peut ĂȘtre frustrant. J’y ai toujours des amis, et l’atmosphĂšre m’inspire beaucoup dans mes livres. Je connais bien le Maghreb, et l’Egypte. Je suis allĂ©e Ă©galement au Moyen-Orient, et pris des cours d’Arabe. La culture arabe m’a toujours fascinĂ©.

 

 

 

Quels sont vos projets ?

 

Continuer Ă  Ă©crire. Je suis en phase d’écriture de mon prochain roman. Par ailleurs, je travaille Ă©galement sur la collection de sciences humaines « les nouvelles mythologies » chez Robert Laffont. Il y un livre sur la « laĂŻcitĂ© » qui vient de paraitre. J’avais Ă©galement lancĂ© un texte sur la dictature de la transparence, sur le journalisme web, et sur les supers hĂ©ros. C’est de la philosophie « Pop ». ParallĂšlement je donne toujours des cours de philosophie Ă  Paris 08, ce qui occupe une majeure partie de mon temps.

*« Magda » Julliard 2018

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