Je change de métier : mode d’emploi

Qui n’est jamais rentré un soir en pestant contre son chef ou ne s’est levé un matin en maudissant son boulot  « Si j’avais intégré la banque comme le voulait ma mère »,  « Si je pouvais vivre de ma passion ! », « si je me mettais à mon compte ? » . Au fil des ans, effectuer toute sa carrière dans la même entreprise est devenu rare. Il est fréquent de changer de société ou de poste, mais aussi, de plus en plus, de secteur. La mobilité professionnelle étant en plein boom, la reconversion tend aujourd’hui à se banaliser. Le « plan de carrière » avec des étapes à franchir avant 30 ou 40 ans est quasi-obsolète. Mais du coup de blues momentané au virage professionnel, il y a un grand pas, qu’il est important de savoir mûrir avant de le franchir. La clé du succès ? Une reconversion lentement réfléchie que l’on anticipera avec lucidité et détermination. Tour d’horizon en cinq étapes.

Etape 1 : Déterminer ce que l’on ne veut plus

Avant tout, il faut se poser la question essentielle : pourquoi vouloir changer de métier ? Bien souvent, ce désir naît d’une frustration créée par divers facteurs (carrière tracée par le milieu familial, manque de reconnaissance, pression trop élevée, ennui, etc.) D’où la nécessité d’identifier clairement ce qui motive cette envie  de changement afin  de différencier un ras-le-bol passager ou un coup de blues professionnel, d’une réelle volonté de changement radical (de mission, de salaire, d’environnement professionnel…). Un bon exercice consiste à faire une liste exhaustive de vos motivations. A ce stade, il est peut-être utile de se faire aider par des professionnels qui vous aideront à construire objectivement un nouveau plan de carrière en faisant un vrai bilan professionnel.

Etape 2 : Définir ce vers quoi on désire aller

Changer de cap mais pour aller où ? A moins de vouloir (enfin) réaliser un rêve d’enfant, il est rare d’avoir une idée précise d’un nouveau projet professionnel. Il s’agit donc de déterminer les secteurs ou les métiers qui pourraient valoriser votre expérience et tenir véritablement compte de vos aspirations. Ne négligez pas la mobilité interne si vous travaillez dans une entreprise d’une certaine taille et s’il le faut, faites le point avec un responsable des ressources humaines sur les possibilités offertes par les autres services, en passant éventuellement par une phase de formation. Si vous ne savez pas « ce pourquoi vous êtes faîtes », un bilan de compétence peut permettre une bonne orientation. Réaliser par un cabinet de consulting ou un coach, cette démarche vous aidera à y voir plus clair sur vos désirs et vos atouts. Si vous visez un métier précis, il est essentiel de se renseigner sur la profession qui vous attire : rencontrer des gens qu’il l’exerce, connaître l’état du marché de l’emploi dans ce secteur. Un métier paraît toujours parfait de loin. 

Etape 3 : Approfondir son projet

Une reconversion professionnelle réussie ne se fait pas en un claquement de doigts. Là encore, il est capital de prendre le temps de se poser des questions en allant à l’essentiel – Suis-je prêt à accepter une baisse de salaire ? Aurais-je l’envie et la patience de reprendre mes études ? Pourrais-je accepter d’être dirigée alors que j’ai moi-même été manager de toute une équipe ? – en se méfiant des situations qui peuvent directement conduire à de réelles désillusions.  « J’en ai marre de respecter des horaires précis, je vais devenir freelance», est une idée récurrente dans nombre de professions. Pour autant, être son propre patron implique un énorme investissement. Vous ne travaillerez peut-être pas aux mêmes heures mais certainement autant voire plus quelquefois ! Des reconversions supposent donc d’évaluer très concrètement, les sacrifices à faire et d’avoir une belle dose de motivation. Se reconvertir, cela peut laisser profiler d’être pugnace et de savoir aller au bout de n’importe quel obstacle d’ordre matériel ou administratif avant de récolter les fruits de sa nouvelle vie professionnelle. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? Pour le savoir, faites une liste détaillée de tous les bénéfices de la reconversion envisagée et des désagréments envisageables pour vous et votre entourage. Inutile de s’investir au-delà du raisonnable au niveau personnel, émotionnel et financier si vous risquez d’y perdre votre santé et votre conjoint.

Etape 4 : Etablir sa feuille de route

Pour mener à bien votre projet, il est important de bâtir un plan d’action. D’en définir les étapes, les objectifs intermédiaires et, surtout, de ne pas se précipiter. Commencez par identifier les obstacles externes (pression familiale, besoin de financement) et internes (manque de confiance en soi, problèmes d’organisation), ainsi que les ressources nécessaires (formation préalable, conseil avisé, mobilisation d’un réseau). Renseignez-vous sur les offres de formations. De plus en plus d’établissements supérieurs proposent des formules d’autofinancement pour les cadres. Et soignez votre réseau relationnel : amis ou connaissances professionnelles peuvent vous donner votre chance pour démarrer un projet.

Etape 5 : Savoir adapter sa trajectoire

Il est essentiel de garder à l’esprit que votre feuille de route est « biodégradable ». En d’autres termes, accepter qu’un plan d’action puisse subir des changements en cours de réalisation. N’hésitez pas à vous entourer d’un coach ou à pratiquer « l’auto-coaching » en vous interrogeant méthodiquement, sur l’avancée de votre projet et les modifications nécessaires à son aboutissement. N’oubliez pas que les parcours quelquefois atypiques sont bien plus qu’on le pense appréciés parce qu’ils sont le signe d’une grande richesse et d’une ouverture d’esprit.

Quand le désir de reconversion cache autre chose

Les désirs de reconversion sont parfois davantage le reflet du mécontentement dans la vie professionnelle, d’une insatisfaction parfois gigantesque vis à vis des conditions dans lesquelles elle s’exerce, que celui d’une motivation réelle à changer de métier. Le ras-le-bol peut alors faire croire à des envies d’autres chemins considérés comme plus sympas, moins stressants, et masquer l’absence de motivation réelle à entreprendre une bifurcation coûteuse en temps et en énergie. Le hic, c’est que le candidat à la reconversion n’en a parfois pas conscience, car changer de métier devient alors une sorte de porte de sortie vers un éden miraculeux, alors qu’il est surtout le « paravent » qui des conditions d’exercice devenues insupportables. C’est pour cela que l’étape d’exploration et de vérification du désir de reconversion est essentielle. En effet, une motivation qui prend sa source uniquement dans des conditions devenues pénibles qui prennent le pas sur le plaisir qu’on pourrait éprouver à effectuer les tâches inhérentes au métier est insuffisante et surtout en décalage avec l’objectif. Il est aussi indispensable de garder à l’esprit qu’à tout moment, il est possible de renoncer au projet de reconversion si celui-ci ne correspond pas réellement à nos besoins où qu’il débouche sur une impasse ou tout au moins, sur un bénéfice moindre que celui espéré.