Styliste passionnĂ© et atypique, Amine Bendriouich, aime sortir des sentiers battus. Le jeune crĂ©ateur aux influences multiples, nous prĂ©sente A DNA, sa derniĂšre collection distinguĂ©e au Fashion Forward Dubai qui se tenait du 26 au 28 octobre. Interview avec cet artiste Ă part qui bouillonne dâidĂ©es et… dâhumour.
Des mannequins qui laissent libre cours Ă leurs mouvements, des vĂȘtements confortables et unisexes, un dĂ©filĂ© dĂ©jantĂ© qui a fait lâunanimitĂ©. Avec sa nouvelle collection, prĂ©sentĂ©e au Fashion Foward Dubai en octobre dernier, le styliste Amine Bendriouich dresse le bilan dâune dĂ©cennie de crĂ©ations, toutes aussi loufoques quâinspirĂ©es.
Zineb Achraf : Votre défilé à Dubaï a été un succÚs. Parlez-nous de cet événement.
Amine Bendriouich : Ce nâest pas la premiĂšre fois que je me rends Ă DubaĂŻ, jâavais dĂ©jĂ Ă©tĂ© approchĂ© pour la premiĂšre Ă©dition du Fashion Forward, mais cela nâavait pu aboutir. Jâai Ă©tĂ© par ailleurs finaliste du concours Vogue Fashion Prize en 2015 Ă DubaĂŻ, et au mĂȘme moment jâĂ©tais le visage de la campagne Soul DXB initiĂ©e par Hassan Hajjaj.
Depuis, je suis resté en contact avec plusieurs personnes du milieu artistique, alors présenter mon premier défilé à Dubai était comme un beau retour.
Comment se sont déroulés les préparatifs avant le défilé ?
Un peu stressant. Jâai arrĂȘtĂ© de travailler deux heures avant mon vol.
Ma manager mâa rejoint le lendemain avec des piĂšces qui manquaient au dĂ©filĂ©, car on produisait la moitiĂ© de notre collection Ă Casablanca et lâautre Ă Marrakech. Ce qui nous obligeait Ă des aller-retour incessants pendant plus dâun mois.
Mais jâĂ©tais trĂšs content du rĂ©sultat. Ă DubaĂŻ, la collection et la maniĂšre avec laquelle je lâai prĂ©sentĂ©e ont eu un gros succĂšs. CâĂ©tait mon premier dĂ©filĂ© et je voulais en profiter pour faire dĂ©couvrir mon univers personnel et le faire connaĂźtre.
Car voir des mannequins dĂ©filer sur le podium avec lâair sĂ©rieux, ça ne me parle absolument pas, je prĂ©fĂšre exprimer la vie et mettre en valeur la personnalitĂ© de chacun, pour que ceux qui regardent puissent se reconnaĂźtre.
Jâai donc choisi mon casting parmi les personnes que lâon mâa prĂ©sentĂ©es. Ensuite, essayages le matin et rĂ©pĂ©titions lâaprĂšs-midi. Je voulais des mannequins qui sâexpriment vraiment, je leur ai demandĂ© dâĂȘtre eux-mĂȘmes et ça a trĂšs bien fonctionnĂ©.
Quelle a été la réaction des personnes venues assister au défilé ?
Il y a eu un superbe accueil, les gens ont Ă©tĂ© agrĂ©ablement surpris, beaucoup ont adorĂ©. Le mĂȘme soir, je pense quâil y avait une centaine dâInsta stories en direct de journalistes, de blogueurs, dâartistes… Il est vrai quâil y avait beaucoup de monde.
La salle Ă©tait comble et prĂšs dâune centaine de personnes ont visionnĂ© le dĂ©filĂ© sur les Ă©crans gĂ©ants installĂ©s Ă lâextĂ©rieur du bĂątiment. Pour la petite anecdote, il y avait un homme que jâai croisĂ©, et qui est venu me dire : « Câest la premiĂšre fois que jâassiste Ă un dĂ©filĂ©. Je viens de vivre un rĂȘve et je ne suis pas prĂšs dâaller en voir un autre. »
Cette rĂ©action spontanĂ©e mâa beaucoup touchĂ©, car je ne fais pas cela pour moi, mais pour les gens.
Parlez-nous de votre collection.
Jâai prĂ©sentĂ© une vingtaine de silhouettes, des hauts, des bas, unisexes comme dâhabitude. La collection sâappelle A DNA : A pour Amine et DNA, lâADN dâAmine Bendriouich. Câest un peu le rĂ©sultat de mon travail, cela fait dix ans que je crĂ©e, que jâapprends.
Aujourdâhui, jâai 33 ans et jâai une idĂ©e plus prĂ©cise de ce que jâaime, des volumes, des coupes, des matiĂšres⊠Je sais ce que je cherche Ă exprimer et Ă dĂ©gager, mais aussi lâinfluence que jâai envie de dĂ©velopper au niveau national et international.
[metaslider id= »35955″]
Parlez-nous des textiles que vous avez choisi dâexploiter pour A DNA ?
Câest une collection oĂč lâon retrouve des matiĂšres comme du coton et de la soie tissĂ©s Ă la main en Inde. Jâai rencontrĂ© une femme incroyable Ă Rome qui est une spĂ©cialiste de tissus indiens. Elle connaĂźt toute la panoplie des textiles de ce pays, tribu par tribu.
GrĂące Ă elle, jâai pu disposer de cette matiĂšre extraordinaire conçue par une tribu musulmane du sud de lâInde. Dans lâIslam, beaucoup disent que câest haram pour les hommes de porter de la soie. Sauf que dans cette tribu, ce sont les hommes qui aiment
la porter le jour de leur mariage. Ils ont créé cette matiĂšre particuliĂšre qui est en coton sur la face interne et en soie sur la face externe. Jâutilise aussi du coton tissĂ© Ă la main, qui ressemble Ă de la gaze comme pour les bandages. Câest assez fragile, mais trĂšs
beau. Je suis Ă©galement parti Ă la recherche de matiĂšres en Italie, chez de grands fabricants de tissu que jâai pu approcher Ă travers ma manager, Francesca Pasacantalo, une Italienne qui a rejoint lâĂ©quipe en fĂ©vrier dernier. On a par exemple pris des cachemires chez Carriaghi pour en faire des sweatshirts avec 70% cachemire
et 30% soie. Pour moi, câĂ©tait important dâavoir tous ces Ă©lĂ©ments lĂ dans cette collection.
Quelles sont vos sources dâinspiration ?
Câest la somme de tout ce que jâai appris ces dix derniĂšres annĂ©es. Jâavais dessinĂ© la collection en janvier Ă travers des idĂ©es qui trottaient dans ma tĂȘte, puis ce fut le dĂ©clic. En trois jours, jâavais dessinĂ© toute la collection. Câest souvent comme ça, je laisse lâidĂ©e
mĂ»rir un moment avant de me lancer dans les croquis. Ensuite, je prends le temps de trouver un genre, les matiĂšres, les formesâŠ
Peut-on vivre de la mode aujourdâhui au Maroc ?
Câest dur, mais on peut y arriver. Jâai eu la chance dâavoir des gens qui ont cru en moi et mâont soutenu en achetant mes crĂ©ations, la plupart de ces clients Ă©taient des artistes marocains ou Ă©trangers. Jâai donc une clientĂšle trĂšs Ă©clectique qui porte mes crĂ©ations.
Comme je nâavais pas de point de vente fixe, je proposais mes crĂ©ations dans des ateliers, des pop-up ou des ventes Ă©phĂ©mĂšres. Jâai Ă©tĂ© prĂ©sent aussi dans quelques boutiques, mais je passais mon temps Ă courir aprĂšs lâargent avant dâarrĂȘter. Il nây a aucun
business facile, mais le travail, ça paie toujours. Il faut croire en ce que lâon fait, ĂȘtre honnĂȘte vis-Ă -vis de soi mĂȘme et ne pas faire de lâargent un but en soi. Mon objectif nâa jamais Ă©tĂ© de faire de lâargent, mais juste un moyen pour rester productif et crĂ©atif.
[metaslider id= »35919″]
BIO EXPRESSNĂ© au milieu des annĂ©es 80, Amine Bendriouich crĂ©e avec des amis Hmar ou bikhir, c’est le succĂšs assurĂ©. L’ami des artistes se lance ensuite en solo avec son label Amine Bendriouich Couture & Bullshit (AB-CD) aprĂšs avoir obtenu un diplĂŽme en design de mode Ă ESMOD Tunis. Ses collections unisexes et avant-gardistes Le 28 octobre dernier, il se distingue dans la capitale Ă©mi- Ă©volution artistique durant ces derniĂšres annĂ©es. |