Avec le mouvement « Balance ton porc » nous assistons Ă un retournement de situation assez dĂ©concertant oĂč la nature un peu inhumaine, celle qui rĂ©fute catĂ©goriquement la responsabilitĂ© exclusive aux agresseurs, prend le dessus sur lâinĂ©dit.
Parce que oui, tout ceci aurait pu se transformer en quelque chose de nouveau, dâinĂ©dit. En une sorte de rĂ©volution pour toutes les victimes – de ces malades embourbĂ©s dans leurs dĂ©lires sexuels – jusquâici tĂ©tanisĂ©es par la peur des rĂ©actions, des reprĂ©sailles et du quâen-dira-t-on. Mais patatras ! Il nâen est rien ! Cette avalanche censĂ©e balayer sur son passage tous ceux qui – abusant de leur pouvoir, de leur notoriĂ©tĂ©, de leur aura – ont osĂ© et consciencieusement, dans la certitude de leur impunitĂ©, se jouer des rĂšgles basiques et de leurs innombrables victimes, dâen abuser, sâest arrĂȘtĂ©e aux pieds dâun large public lui barrant le passage avec force.
La force des convictions fondĂ©es sur ces apparences tant chĂ©ries oĂč lâaccusĂ©, quand il est un tant soit peu connu, charismatique, riche et/ ou talentueux, est dĂ©clarĂ© innocent, sans aucune espĂšce de procĂšs, et sa prĂ©sumĂ©e victime pointĂ©e par les doigts rĂ©probateurs dâun monde dans lâincomprĂ©hension du concept du viol. Oui, parce que le viol est tout un concept et rares sont ceux qui le saisissent. Ce nâest pas une question dâintelligence, ça aurait Ă©tĂ© sans doute plus simple, câest plutĂŽt un problĂšme dâĂ©ducation oĂč les frustrations complexes de lâhumain se sont propagĂ©es jusquâaux esprits supposĂ©ment futĂ©s.
Vous lâaurez compris et certainement vu, tous ces violeurs prĂ©sumĂ©s sont en train de se relever un Ă un, en prenant lâappui sur leurs « fans » et autres adeptes aujourdâhui complices un peu naĂŻfs et victimes de leur fascination, et de reprendre leurs places initiales et confortables pendant que celles qui luttent pour se justifier â oui, câest Ă ces prĂ©sumĂ©es victimes dâapporter les preuves des folies de leurs agresseurs – sont devenues une sorte de bourrelles peut-ĂȘtre vĂ©nales, peut-ĂȘtre en manque de notoriĂ©tĂ©, peut-ĂȘtre amoureuses Ă©conduites, peut-ĂȘtre carriĂ©ristes sans scrupules, peut-ĂȘtre mythomanes et accessoirement complices dâun vaste complot oĂč les « gentils » ne sont pas apprĂ©ciĂ©s et donc naturellement abattus. Jâaurais peut-ĂȘtre ponctuĂ© le tout dâun habituel « câest risible », mais jâavoue rire de moins en moins et mâinquiĂ©ter de plus en plus.
Je voyais en ce mouvement humain, sans barriĂšres pour une fois, une solidaritĂ© naissante avec un espoir, candide que je suis quelque part, dâune prise de conscience collective. Une prise de conscience sur les ruines des corps meurtris par la violence et lâhumiliation. Une prise de conscience, mĂȘme soudaine mais efficace, qui accoucherait dâun aveu. Lâaveu que ces millions de tĂ©moignages, tordant les entrailles dâune toile virtuelle dĂ©passĂ©e par les larmes et les sarcasmes courageux des victimes, sont une preuve que ces dĂ©traquĂ©s sont beaucoup plus nombreux quâon ne le pense et quâil serait grand temps de lever le voile sur la monstruositĂ© du phĂ©nomĂšne.
Au lieu de quoi, cette belle boule de neige, excitĂ©e et colĂ©rique, sâestompe au fur et Ă mesure que le monde la dĂ©nigre et la rend irrĂ©elle. Cette belle petite boule qui avait la prĂ©tention naĂŻve de grandir et de nettoyer la vermine sâĂ©vapore rapidement sous le soleil de lâignorance et du dĂ©ni. Et lĂ , ce nâest mĂȘme pas un retour Ă cette bonne vieille case de dĂ©part mais plutĂŽt un bond plus en arriĂšre oĂč il faudra â avec plus de courage voire dâabnĂ©gation â reprendre tout Ă zĂ©ro et essayer de sensibiliser lâopinion publique et de remettre chacun Ă sa place. Les bourreaux derriĂšres les barreaux et les victimes sur les lits de guĂ©risons incertaines.
Que ce monde se dĂ©trompe. Un violeur en prison nâest pas gage dâune vie meilleure pour son « dĂ©fouloir sexuel ». Ce nâest que lâĂ©bauche dâun processus compliquĂ© oĂč lâabusĂ©e devra dĂ©culpabiliser et comprendre que ce nâest ni son corps ni son sexe le problĂšme mais bien le cerveau malade de celui qui a osĂ©. Que ce monde cesse de divaguer. Lâaveu public dâun abus nâest ni facile, ni une partie de plaisir, câest une mise Ă nu dâune fracture longtemps tue par la honte et lâincomprĂ©hension et la prise de risque de se faire copieusement lyncher par lâaliĂ©nation collective.
DĂ©signer son bourreau, surtout lorsquâil est connu et adulĂ©, est la prise de risque de se faire abuser, une derniĂšre fois … et aujourd’hui, c’est malheureusement le cas.
Cette chronique a été publiée sur la page Facebook, Les chroniques de Majda.