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Lakhmari: un film, un miroir (VIDÉO)

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Le rĂ©alisateur Nour-Eddine Lakhmari revient avec le film “Burn Out”. Et rien de plus adĂ©quat qu’un film qui traite de cet essoufflement gĂ©nĂ©ralisĂ©. Son film est dans les salles ce mois d’octobre, il nous livre ses pensĂ©es. Rencontre.

 

 

Plurielle: Burn Out, le mal du siÚcle, pourquoi avoir choisi ce titre ?

 

 

Nour-Eddine Lakhmari: Depuis un moment, je remarque une sorte de malaise autour de moi. Les gens se plaignent de beaucoup de choses. Ils ne savent pas oĂč aller, ils se cherchent. Il y a un dysfonctionnement. Les gens sont dans un burn out psychologique, Ă©motionnelle, spirituel. On essaye de se mentir, de trouver des solutions. Mais le problĂšme est beaucoup plus profond… les gens ont besoin de respirer. L’issue ne peut ĂȘtre que celle qui passe par la culture et l’art. Malheureusement, aujourd’hui au Maroc, il n’y a pas assez de salles de cinĂ©ma, il n’y a pas assez de théùtres. Donc, les gens sont livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes dans une sorte de dĂ©sespoir.

 

 

Que souhaitez-vous véhiculer comme message ?

 

Il n’y a que l’amour qui peut nous sauver. Or, l’amour est encore tabou dans cette sociĂ©tĂ©. Ce n’est qu’en s’acceptant et s’aimant qu’on peut vivre la rĂ©demption. Ce n’est pas l’argent, le matĂ©riel ou les voyages qui peuvent Ă©radiquer le mal ĂȘtre ambiant. Il faut aller au fond des choses. Est-ce qu’on s’aime assez ? Est-ce qu’on se pose les bonnes questions ? Est-ce qu’on aime cette sociĂ©té ? Je n’ai pas l’impression qu’on aime cette sociĂ©tĂ©. On se contente d’y vivre en subissant, en Ă©tant passif. Dans une sociĂ©tĂ© comme la nĂŽtre, les riches vivent dans leur coin, les pauvres dans le leur. Il n’y a pas de dialogue, il n’y a plus d’espoir. Ceci dit, il arrive que des lumiĂšres apparaissent et il faut y croire.

 

 

Quelles réactions vous attendez-vous à avoir ?

 

Que ça crĂ©e un dĂ©bat. EspĂ©rer plus avec le peu de salles de cinĂ©ma qu’on a, c’est irrĂ©aliste. Mais si le dĂ©bat est créé, on aura gagnĂ©.

 

 

Pensez-vous jouir d’une rĂ©elle libertĂ© cinĂ©matographique ?

 

 

LĂ  oĂč je pose ma camĂ©ra je fais ce que je veux. En ce qui me concerne, j’ai plus de problĂšmes d’autocensure que de censure. On ne m’a jamais rien imposĂ© ou interdit.

 

Au vu de l’actualitĂ©, pensez-vous que le Maroc vive un burn out ?

 

Oui. Il y a un problĂšme d’identitĂ©. Les gens sont perdus parce qu’il n’y a pas de repĂšre. Aujourd’hui l’identitĂ© est beaucoup plus religieuse qu’autre chose. Or, la religion est censĂ©e ĂȘtre personnelle. Les marocains savent qu’ils sont musulmans, juifs, arabes, berbĂšres, africains, français, espagnols, portugais… On est tout ça Ă  la fois. Et si on l’accepte, ça sera une richesse.

 

 

Comment vous apparaßt la société marocaine sur les réseaux sociaux ?

 

 

Dans une sociĂ©tĂ© qui n’investit pas beaucoup dans la culture et l’art, c’est naturel que les gens se retournent vers les rĂ©seaux sociaux pour se divertir et s’exprimer. Malheureusement, c’est devenu une vitrine de tous ces complexes, de tous les problĂšmes d’identitĂ© dont je vous parlais. Tout le monde veut exister mais en se crĂ©ant une image fausse. C’est d’autant plus dangereux que mĂȘme sur les rĂ©seaux sociaux une pression sociale est exercĂ©e et de maniĂšre plus frontale et plus virulente. C’est dangereux parce qu’il n’y a pas d’échappatoire aux rĂ©seaux sociaux, on les emmĂšne avec nous partout… sur les tĂ©lĂ©phones, les ordinateurs, oĂč qu’on aille on est connectĂ©s. C’est un ultime outil de standardisation et d’abrutissement.

 

 

Le casting du film est tout aussi pluriel, comment s’est fait le choix ?

 

 

C’est une pure fiction, ce sont des personnages que j’ai pensĂ© et créé. On a cherchĂ© Ă  la fois des gens qui n’ont jamais fait de cinĂ©ma, que ceux qui n’ont fait que de la tĂ©lĂ©vision comme Mohamed El Khiari, lui qui toujours jouĂ© ce rĂŽle clichĂ© de « l’aaroubi » qui ne sait pas parler. On a des acteurs magnifiques, surtout les actrices. On a aussi cherchĂ© de nouveaux visages. Encore une fois, le Maroc a tellement de talent, il faut juste en profiter et les mettre en avant.

 

 

Quels rÎles jouent les femmes dans votre film ?

 

 

On m’a toujours reprochĂ© de me cantonner Ă  un monde de mecs, de machos, comme dans « Casanegra » ou « ZĂ©ro ». Mais c’est faux. Ces films traitent plus de la femme parce que c’est parce qu’ils n’ont pas de femmes que ces hommes sont bousillĂ©s. Cette fois ci, j’ai voulu faire un film qui aborde la femme plus directement. On y trouve des galeristes, des call-girls, des maquerelles, des Ă©tudiantes en mĂ©decine… il y a de tout. Et Ă  aucun moment le film ne les juge.

 

 

Est-ce une vision fantasmée de la réalité des femmes au Maroc ?

 

 

Oui, fantasmĂ©e sur la situation de la femme. Ca reste une vision, un cinĂ©aste, un film. Il faut en faire plein d’autres ! Le cinĂ©ma marocain a un rĂŽle trĂšs important. Aujourd’hui, les jeunes ne lisent pas, ils regardent les images. Donc il faut montrer comment doivent fonctionner les choses. La situation de la femme dans ce film se veut positive. La femme marocaine est forte et intelligente mais elle doit se battre non seulement contre la mentalitĂ© des hommes mais aussi contre certaines lois qui sont archaĂŻques Ă  mon sens.

 

 

Et les hommes marocains, vous les décririez comment ?

 

 

C’est facile de juger, de coller des Ă©tiquettes. Mais c’est complexe parce que l’homme marocain subit Ă©galement beaucoup de pression… la pression sociale, Ă©conomique, culturelle, religieuse. Il doit faire un travail sur lui, c’est certain. Mais il est vulnĂ©rable dans une sociĂ©tĂ© oĂč la pression est Ă©norme. On vit pour les autres, on n’a pas le droit de ne pas ĂȘtre d’accord. Du coup, l’homme marocain se laisse aller et devient une victime des autres. Il ne profite pas de sa vie. Il essaye juste d’ĂȘtre dans le politiquement correct. Il est dĂ©chirĂ©. Il est trĂšs vulnĂ©rable.

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