« Nah », « Taj », « Slay », « Pas le choix »… Ă seulement 25 ans, la chanteuse Manal ne cesse dâenchaĂźner les succĂšs. RepĂ©rĂ©e il y a tout juste quatre ans, elle fait aujourdâhui partie de ces jeunes talents qui rĂ©volutionnent la scĂšne musicale marocaine avec un style beaucoup plus urbain, dĂ©complexĂ© et dans lâair du temps. Rencontre.
PassionnĂ©e par la musique depuis son plus jeune Ăąge, Manal Benchlikha a toujours rĂȘvĂ© de devenir chanteuse. Elle apprend alors la guitare de maniĂšre autodidacte et commence Ă poster des vidĂ©os de cover sur sa chaĂźne Youtube.
TrĂšs vite, la jeune marrakchie se fait repĂ©rer par le DJ marocain DJ Van qui la contacte et lui propose de collaborer. Sa carriĂšre est lancĂ©e. AprĂšs son premier titre « Denia », chantĂ© exclusivement en arabe, Manal mĂ»rit, dĂ©veloppe son style et peaufine son univers. Elle commence alors Ă mĂȘler français et darija et nâhĂ©sites pas, par le biais de sa musique, Ă porter des messages fĂ©ministes ou encore, Ă rĂ©pondre Ă ses dĂ©tracteurs. Moderne, bien dans sa peau et pĂ©tillante, Manal peut en effet en Ă©nerver certains. Dâautant plus que chacun de ses titres est un succĂšs.
Avec plus de 646 000 abonnĂ©s sur sa chaĂźne Youtube, ses chansons cumulent des millions de vues. Quâil sâagisse de « Taj », visionnĂ©e 18 millions de fois, de « Slay » avec 25 millions de vues ou encore de son dernier titre, « Pas le choix», sorti dĂ©but avril et qui cumule dĂ©jĂ trois millions de vues, chaque chanson est un hit. Un rĂȘve devenu rĂ©alitĂ©. Mais la jeune Manal, bien loin dâĂȘtre aveuglĂ©e par le succĂšs, garde la tĂȘte sur les Ă©paules. Consciente que la musique est un milieu diffi cile, elle prĂ©fĂšre assurer ses arriĂšres en continuant ses Ă©tudes.
AprĂšs un master en audit et contrĂŽle de gestion obtenu Ă lâĂcole nationale de commerce et de gestion de Marrakech, elle prĂ©pare aujourdâhui sa troisiĂšme annĂ©e de doctorat avec une thĂšse portant sur lâAdoption des systĂšmes ERP et leurs impacts organisationnels au sein des entreprises familiales marocaines. Une chanteuse qui en a dans la tĂȘte !
Depuis quand ĂȘtes-vous passionnĂ©e par la musique ? Avez-vous toujours voulu devenir chanteuse ?
Je suis passionnĂ©e par la musique et le chant depuis mon plus jeune Ăąge. DĂšs que jâai appris mes premiers mots, jâai commencĂ© Ă chanter (rires). Et mon rĂȘve le plus fou Ă©tait Ă©videmment de devenir chanteuse. Jâadmirais CĂ©line Dion et Mariah Carey, jâĂ©coutais leurs chansons avec beaucoup dâamour et plein dâĂ©toiles dans les yeux, et je me disais quâun jour moi aussi je pourrai chanter devant des centaines de personnes et quâils connaitraient mes chansons par coeur. Ma maman a trĂšs vite constatĂ© mon amour pour la musique donc elle nous a inscrit, mon frĂšre et moi, Ă des cours de solfĂšge et de guitare Ă domicile. Je nâai cependant pas fi nis mes cours et jâai laissĂ© tomber le solfĂšge, pour reprendre quelques annĂ©es plus tard la guitare de maniĂšre autodidacte en suivant des vidĂ©os tutoriels sur Youtube.
Vous avez dĂ©butĂ© votre carriĂšre tout en continuant vos Ă©tudes en parallĂšle, est-il diffi cile de concilier Ă©tudes et passion ? Ătait-ce un choix ?
Ce nâĂ©tait pas du tout Ă©vident, surtout que je devais me dĂ©placer assez souvent. Heureusement, mes amies mâont beaucoup aidĂ©. Elles me donnaient leurs
cours et me faisaient rĂ©viser. Mais malgrĂ© ça, jâai galĂ©rĂ© (rires). Il faut dire que mon Ă©cole est classĂ©e parmi les meilleures Ă©coles de commerce Ă©tatiques au Maroc donc forcĂ©ment le niveau est trĂšs Ă©levĂ© et les Ă©tudes sont diffi ciles. Mais jâavais fait Ă©normĂ©ment de sacrifi ces pour ĂȘtre admise dans ce cursus, donc je ne me voyais pas du tout laisser tomber mes Ă©tudes pour un domaine aussi Ă©phĂ©mĂšre que la musique. On ne sait jamais ce qui peut arriver, tout peut sâarrĂȘter du jour au lendemain. Il faut donc toujours avoir un plan B !
Votre famille et vos proches sont-ils dâun grand soutien dans votre quotidien et carriĂšre ?
Oui Ă©normĂ©ment ! Jâai beaucoup de chance dâavoir ma famille Ă mes cĂŽtĂ©s. Ma maman est ma plus grande fan, elle connait ma musique mieux que moi ! Dâailleurs, câest elle qui a Ă©crit « Denia» pour moi. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, mes proches sont trĂšs motivants, ils me tirent vers le haut et mâencouragent toujours Ă aller plus loin. Mon mari et mon frĂšre sont aussi trĂšs importants. Ce sont les hommes de ma vie, ils sont juste gĂ©niaux. Et je sais que je peux compter sur eux dans nâimporte quelle situation.
Vous vous ĂȘtes faite connaĂźtre avec le titre « Denia », que reprĂ©sente-t-il pour vous ?
« Denia » est un titre qui mâest trĂšs spĂ©cial. Comme je lâai dit prĂ©cĂ©demment, câest ma maman qui lâa Ă©crit et je lâai composĂ© quand on Ă©tait dans une pĂ©riode trĂšs diffi cile. En effet, jâai perdu mon papa et aprĂšs sa mort, beaucoup de choses ont changĂ© dans notre vie. Nous avons notamment vĂ©cu Ă©normĂ©ment de dĂ©ceptions… Cet Ă©vĂ©nement mâa alors beaucoup appris et surtout beaucoup fait Ă©voluer.
Vous avez commencĂ© Ă chanter en darija puis vous ĂȘtes passĂ©e au français avec quelques touches dâarabe, pourquoi cette Ă©volution ? Ătes-vous plus Ă lâaise avec une langue en particulier ?
Ce qui est drĂŽle, câest que je ne mâĂ©tais jamais imaginĂ©e chanter un jour en arabe. Depuis que je suis toute petite, jâĂ©cris et je compose mes chansons en anglais ou en français. Mais petit Ă petit, je me suis rendu compte que si je ne donnais pas de valeur Ă ma langue maternelle qui est lâarabe, qui le ferait ? Aujourdâhui, je suis trĂšs fi Ăšre dâentendre toutes ces chansons en darija qui sâexportent trĂšs facilement. Cela nous reprĂ©sente en tant que Marocains, câest notre force et notre signature. Par contre, le français mâavait beaucoup manquĂ© et Ă©tant donnĂ© que dans la vie de tous les jours je mĂ©lange beaucoup le français et le darija, il Ă©tait logique que mes chansons contiennent ce mix aussi.
Votre chanson « Taj » a beaucoup fait parler dâelle Ă sa sortie. En effet, vous avez changĂ© de rĂ©pertoire musical en vous lançant dans le rap. Comment dĂ©crieriez vous aujourdâhui votre style ?
Je suis une artiste, tout simplement. Je ne veux surtout pas quâon me catĂ©gorise comme Ă©tant une rappeuse. Je fais du rap oui, mais aussi de la pop, de la trap… Si jâai envie de faire du rock, je le ferai ou mĂȘme de la house qui sait ? Tout dĂ©pend de mon mood quand je suis en studio et de ce jâai envie dâexprimer. « Taj » est une chanson trĂšs engagĂ©e.
Que vouliez-vous faire passer comme messages ?
Taj porte trois messages : le premier, câest dire stop au harcĂšlement et aux agressions sexuelles, le deuxiĂšme, câest dire stop aux stĂ©rĂ©otypes qui collent Ă la peau de la femme marocaine et arabe en gĂ©nĂ©rale. Si elle veut faire de la mĂ©canique, devenir bouchĂšre, ou nâimporte quel autre mĂ©tier considĂ©rĂ© comme « masculin », elle peut le faire. Enfi n, le troisiĂšme, câest un petit coup de gueule relatif Ă ce que jâai vĂ©cu comme discriminations de la part de maisons de disques, avec leurs milliers de conditions draconiennes contre les artistes.
Vous considérez-vous comme féministe ?
Oui, complĂštement !
Retrouvez la suite de l’interview dans votre Magazine de  ce mois-ci !