« On va diner Ă lâendroit oĂč se retrouvent les kĂ©kĂ©s casablancais, ceux qui ressemblent plus Ă des caricatures dâeux mĂȘme, ceux qui se retrouvent pour se perdre dans les mĂ©andres de lâapparence et de la fivolitĂ© ? Dis tu veux ? ». Bon, il est vrai que je vous ai fait la une lecture commentĂ©e de la vrai question quâun de ces kĂ©kĂ©s mâa posĂ©e. Peut-ĂȘtre espĂ©rait-il titiller en moins une once dâintĂ©rĂȘt pour les pseudos mondanitĂ©s casablancaise. Peut-ĂȘtre mĂȘme pensait-il que pour quelques huitres et un verre de rosĂ© je serai prĂȘte Ă arborer un look Ă la Kim Kardashian ? Peut-ĂȘtre, enfin, quâil croyait que son bolide et sa ceinture griffĂ©e auraient raison de mon intellect ? Peut-ĂȘtre a-t-il cru que jâĂ©tais une de ces femmes lĂ , une femme sac-Ă -main.
Je suis dure. Mais jâai mes raisons. Ce modĂšle lĂ , je lâai connu un soir alors que nous nous trouvions autour de la mĂȘme table. Le feeling est plutĂŽt bien passĂ© et la discussion Ă©tait plutĂŽt agrĂ©able. En mĂȘme temps, avec la musique Ă faire pĂ©ter les tympans et les zouaves un peu trop Ă©mĂ©chĂ©s, nous nâavons pas non plus dĂ©battu de la situation politique aux Etats-Unis Ă la veille des Ă©lections prĂ©sidentielles, ni mĂȘme de celle de Marrakech post COP22. Nos Ă©changes ont Ă©tĂ© cordiaux et centrĂ©s sur nos activitĂ©s respectives, nos situations personnelles et le goĂ»t des plats commandĂ©s. Du trĂšs lĂ©ger quoi.
Fin de la soirĂ©e, câest avec une galanterie extrĂȘme que le gentilhomme en question me raccompagne Ă ma voiture et me demande par la mĂȘme occasion de lui cĂ©der mon numĂ©ro. Chose faite, les jours qui ont suivis ont Ă©tĂ© un supportable et continuel Ă©change de messages, dâappels. Nos conversations Ă©taient plutĂŽt franches et divertissantes. Ceci dit, le « moi je » Ă©tait un chouia trop prĂ©sent, son « je ». Il a fait ses Ă©tudes au Canada, il a intĂ©grĂ© lâentreprise familiale Ă Casablanca, il a 35 ans et il vit chez sa maman qui lui prĂ©pare son petit-dĂ©jeuner le matin. Il passe ses vacances Ă Bali ou Ă Ibiza. Il adore les sushis et dĂ©boutonner les 4 premiers boutons de sa chemise. Dâailleurs, cela met en valeur la grosse chaine en or avec la sourate qui le protĂšge du mauvais Ćil. Cadeau de sa maman. Bref, son portrait aurait suffit Ă me faire fuir en hurlant au cas social classique avec un gros complexe Ćdipien. Mais dans un Ă©lan de charitĂ© et de cĂ©libat latent, je dĂ©cidais de lui accorder au moins un vrai tĂȘte-Ă -tĂȘte. Histoire de voir sâil nây a pas, au fond tout au fond de son esprit, un rebelle qui ne demande quâĂ se libĂ©rer du joug des atticismes de son milieu. Je voulais vĂ©rifier quâil ne voyait pas uniquement une femelle dotĂ©e dâun hĂ©ritage gĂ©nĂ©tique assez esthĂ©tique.
« Allo, ça va ? Que fais-tu de beau ? ». Lui : « je sors de mon cours de tennis ». Moi : (gros soupir contenu) « Et si on sortait diner mercredi ? ». Lui : voir sa réponse en début de texte.