Sept dĂ©fenseurs des droits de la femme ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s en Arabie saoudite, reflĂ©tant les limites des rĂ©formes opĂ©rĂ©es dans le royaume ultraconservateur Ă prĂšs d’un mois de la levĂ©e de l’interdiction de conduire faite aux femmes.
Selon l’ONG Human Rights Watch (HRW), sept militants des droits de la femme sont dĂ©tenus depuis mardi et parmi eux figurent Loujain al-Hathloul, Aziza al-Youssef et Eman al-Nafjan, trois femmes connues pour leur lutte contre l’interdiction de conduire et le systĂšme de tutelle masculin en Arabie saoudite.
Une enquĂȘte « est en cours pour identifier toutes les personnes impliquĂ©es » et prendre les mesures lĂ©gales appropriĂ©es, a indiquĂ© un porte-parole des services de sĂ©curitĂ© saoudiens citĂ© par l’agence officielle SPA.
Il a accusĂ© les personnes arrĂȘtĂ©es d’avoir entretenu « des contacts suspects avec des parties Ă©trangĂšres », apportĂ© un soutien financier à « des Ă©lĂ©ments hostiles Ă l’Ă©tranger » et recrutĂ© des fonctionnaires.
L’Arabie saoudite, seul pays au monde qui interdisait aux femmes de prendre le volant, s’est engagĂ©e, sous l’impulsion du prince hĂ©ritier Mohammed ben Salmane, dans des rĂ©formes visant Ă une plus grande participation des femmes dans la vie Ă©conomique et sociale.
Le 26 septembre 2017, elle a annoncĂ© que les femmes seraient autorisĂ©es Ă conduire puis a fixĂ© au 24 juin la levĂ©e de l’interdiction.
Mais les Saoudiennes restent encore soumises Ă de nombreuses restrictions, principalement Ă un systĂšme de tutelle masculin: elles ont ainsi besoin de l’accord d’un homme membre de leur famille pour voyager, Ă©tudier ou exercer certains mĂ©tiers.
Des militants ont expliquĂ© Ă HRW qu’aprĂšs sa dĂ©cision de lever l’interdiction de conduire, la cour royale avait demandĂ© à « d’importants militants » de ne s’exprimer dans les mĂ©dias.
Mmes Hathloul et Nafjan avaient participĂ© Ă la campagne pour la levĂ©e de l’interdiction de conduire bien avant le dĂ©cret royal. Mme Hathloul avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e fin 2014 et dĂ©tenue pendant 73 jours aprĂšs avoir tentĂ© de traverser en voiture la frontiĂšre entre les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.
Selon l’organisation HRW, basĂ©e Ă New York, les trois femmes arrĂȘtĂ©es sont connues pour leur lutte contre la tutelle des hommes, et deux d’entre elles avaient signĂ© une pĂ©tition dĂšs 2016 visant Ă abolir ce systĂšme.
Sarah Leah Whitson, responsable de HRW pour le Moyen-Orient, estime que « les vĂ©ritables rĂ©formateurs saoudiens qui osent dĂ©fendre publiquement les droits de l’Homme et l’Ă©mancipation des femmes » continuent de vivre dans un « climat de peur », malgrĂ© l’annonce des rĂ©formes.
Pour de nombreux militants saoudiens, ces réformes ne seront que cosmétiques tant que les Saoudiennes restent sous la tutelle des hommes.
« Votre trahison a Ă©choué », a titrĂ© samedi le quotidien saoudien Al-Jazirah, en allusion aux militants arrĂȘtĂ©s.
« Pas de place pour les traĂźtres parmi nous », pouvait-on lire sur le compte Twitter du site d’information en ligne SaudiNews50 qui a publiĂ© les photos de cinq des militants arrĂȘtĂ©s selon lui: Eman al-Nafjan, Loujain al-Hathloul, Aziza al-Youssef, Mohammed al-Rabiya et l’avocat Ibrahim al-Madmyegh.
« Cette campagne reprĂ©sente un dĂ©veloppement extrĂȘmement prĂ©occupant pour les dĂ©fenseurs des droits des femmes en Arabie saoudite », a affirmĂ© Amnesty International, dĂ©nonçant « une tactique d’intimidation entiĂšrement injustifiable ».
Sut Twitter, l’annonce des arrestations a suscitĂ© plusieurs rĂ©actions. Le commentateur politique saoudien Naif al-Asaker a affirmĂ© que les militants arrĂȘtĂ©s Ă©taient soit des « agents secrets » soit des « ignorants ». « Les arrestations visent essentiellement le fĂ©minisme saoudien », a Ă©crit de son cĂŽtĂ© la militante saoudo-amĂ©ricaine Nora Abdulkarim.