Des organisations de dĂ©fense des droits de l’homme et des dizaines de personnalitĂ©s soutiennent l’Espagnole Helena Maleno, visĂ©e par une enquĂȘte au Maroc pour trafic d’ĂȘtres humains en lien avec ses actions visant Ă Ă©viter les naufrages de migrants dans le dĂ©troit de Gibraltar.
La militante de 47 ans, qui depuis des annĂ©es permet aux secours de localiser les migrants en difficultĂ© au large des cĂŽtes espagnoles, a du ĂȘtre entendue mercredi Ă 11h00 (10h00 GMT) par un juge de Tanger, au nord du Maroc, oĂč elle est installĂ©e depuis une quinzaine d’annĂ©es et travaille au sein de l’association Caminando Fronteras.
« Je trouve incroyable qu’une personne ayant sauvĂ© autant de vies, donnant autant de sa personne soit mise en cause« , dĂ©clare Ă l’AFP Miguel Jesus Zea, le responsable des secours en mer pour la zone d’Almeria (Andalousie).
« Nous affirmons notre solidaritĂ© totale et notre soutien Ă Helena Maleno Garzon« , lit-on dans une pĂ©tition signĂ©e par quelque 200 personnalitĂ©s dont l’acteur Javier Bardem ou l’Ă©crivaine Almudena Grandes pour la « dĂ©fense du droit Ă la vie » et contre « la criminalisation » de son travail.
Amnesty International dit aussi suivre avec « beaucoup d’inquiĂ©tude » lâaffaire. La police espagnole avait remis au parquet un rapport la soupçonnant de travailler pour une « organisation criminelle » en transmettant aux secours la localisation des migrants, en vue de leur transfert sur les cĂŽtes espagnoles. Mais, en avril 2017, le parquet avait classĂ© l’affaire sans suite, ne voyant pas d’indice de dĂ©lit.
Le dossier aurait aussi Ă©tĂ© transmis Ă la justice du Maroc, sans prĂ©ciser qu’il avait Ă©tĂ© classĂ© en Espagne, selon Helena Maleno, qui doit ĂȘtre entendue par un juge d’instruction pour trafic de migrants, un dĂ©lit qui peut entraĂźner une peine de prison. La police espagnole contactĂ©e par l’AFP n’a pas souhaitĂ© commenter le dossier.
Stopper ces morts
Selon Miguel Jesus Zea, Helena Maleno a permis de secourir « au moins 10.000 personnes » au large d’Almeria (sud de l’Espagne). En 2017, 223 migrants sont morts en tentant de gagner l’Espagne par la mer, selon l’Organisation internationale pour les migrations.
L’Eglise la soutient et l’organisation catholique Caritas tente une mĂ©diation auprĂšs des autoritĂ©s marocaines en sa faveur. DĂšs 2007, cette militante servait d’intermĂ©diaire aux familles de migrants pour se renseigner sur leur sort auprĂšs des autoritĂ©s espagnoles aprĂšs la traversĂ©e du dĂ©troit.
Peu Ă peu, son numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone et celui de l’Ă©quipe de Caminando Fronteras a circulĂ©. DĂ©sormais, des clandestins l’appellent depuis le dĂ©sert ou leur embarcation pour lui signaler leur localisation approximative. Elle transmet Ă son tour ces informations aux autoritĂ©s pour permettre leur sauvetage.
Helena Maleno intervient aussi en tant qu’experte en migrations lors de colloques internationaux et ses publications sont apprĂ©ciĂ©es par ses pairs, selon le sociologue et expert en migrations français Olivier Peyroux.
Son ONG dĂ©fend aussi leur cause devant la justice comme dans le cas du drame de Tarajal, quand 15 migrants s’Ă©taient noyĂ©s le 6 fĂ©vrier 2014, visĂ©s selon Caminando Fronteras par des balles en caoutchouc de la Garde civile espagnole qui auraient pu jouer un rĂŽle dans leur mort au large de l’enclave sous administration espagnole de Ceuta.
Le « business » des migrants
Fille d’ouvriers agricoles, Helena Maleno a grandi Ă l’ombre des grandes serres de fruits et lĂ©gumes d’Andalousie, Ă El Ejido. Sa ville natale est connue pour les Ă©meutes racistes contre des immigrĂ©s maghrĂ©bins, en fĂ©vrier 2000, qui avaient fait quelque 80 blessĂ©s aprĂšs un double meurtre.
Depuis, cette diplĂŽmĂ©e en journalisme n’a eu de cesse de dĂ©noncer le « business » autour des migrants: celui qui dĂ©coule du contrĂŽle migratoire, de la traite des clandestins, du travail non dĂ©clarĂ©, du trafic d’organes et de la prostitution. « Ce sont des esclaves et non des citoyens, expulsĂ©s de l’Etat de droit« , dĂ©clare Ă l’AFP la fine brune aux cheveux noirs parfois teints au hennĂ©.
Mardi, elle a dĂ©clarĂ© Ă l’AFP se fĂ©liciter de l’Ă©lan de solidaritĂ© autour de son affaire, car enfin, « tout le monde s’est mis Ă parler du droit Ă la vie. L’Europe veut nous montrer que le contrĂŽle migratoire est plus important, mais c’est faux« . « On a les moyens de stopper toutes ces morts« .