Société

La loi contre les violences faites aux femmes (enfin) entrée en vigueur

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Ce mercredi 12 septembre est Ă  marquer d’une pierre blanche. Les Marocaines pourront dĂ©sormais dĂ©noncer leurs harceleurs grĂące Ă  l’entrĂ©e en vigueur aujourd’hui, de la loi 103.13. AnnoncĂ©e il y a six mois, sur le bulletin officiel, cette nouvelle loi qui protĂšge les femmes dans l‘espace public, les mineures des mariages forcĂ©s et condamne tout acte de violence envers les femmes connait dĂ©jĂ  son premier cas. Quelques jours avant l’application de la loi, une jeune femme harcelĂ©e a dĂ©posĂ© plainte au commissariat. Que risquent les agresseurs? Pour quelles raisons peut-on porter plainte? On fait le point.

Projet de loi en chantier depuis 2013

Depuis 2013, ce projet de loi est discuté. Remis en question, amendé à plusieurs reprises, il aura fallu attendre le 14 février 2018 pour le voir apparaßtre sur le bulletin officiel. Six mois plus tard, ce mercredi 12 septembre, la premiÚre femme a avoir déposé plainte pourra obtenir gain de cause.

Que dit la loi ?

Sont incriminĂ©s « certains actes considĂ©rĂ©s comme des formes de harcĂšlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement « . La loi prĂ©voit Ă©galement de lutter contre le harcĂšlement dans les lieux publics: les harceleurs pourront Ă©coper d’1 Ă  6 mois de prison ou devront dĂ©bourser entre 2.000 et 10.000 dirhams d’amende. Ces condamnations s’appliquent au harcĂšlement de rue, aux messages vocaux, SMS et photos Ă  caractĂšre sexuel. Concernant le mariage forcĂ© dont Amina Filali avait fait les frais en 2012, il est passible d’un Ă  six mois d’emprisonnement et/ou d’une amende de 10.000 Ă  30.000 dirhams. Pour rappel, l‘affaire Amina Filali avait fait les unes des journaux nationaux et internationaux. La jeune femme violĂ©e, avait Ă©tĂ© forcĂ©e d’Ă©pouser son violeur pour laver l’honneur familial. DĂ©sespĂ©rĂ©e, elle avait mis fin Ă  ses jours en avalant de la mort aux rats. Afin de protĂ©ger les femmes victimes de violences, la loi prĂ©voit Ă©galement des mĂ©canismes de prise en charge.

Les femmes souvent accusĂ©es d’aguicher les hommes

MĂȘme si cette nouvelle loi prĂ©voit de dĂ©fendre et de protĂ©ger les femmes, en pratique les mentalitĂ©s ont la peau dure. On se souvient de l’affaire de Zineb, la fille agressĂ©e sexuellement dans un bus en aoĂ»t 2017. Si de nombreuses associations sont montĂ©es au crĂ©neau pour dĂ©fendre la jeune fille qui avait Ă©tĂ© filmĂ©e par ses agresseurs, d’autres ont soutenu que c’Ă©tait de sa faute.

Plus rĂ©cemment, l’affaire de Khadija, violĂ©e, torturĂ©e, sĂ©questrĂ©e pendant deux mois par une dizaine d’hommes et tatouĂ©e de force, avait choquĂ© les internautes et Ă©mu la Toile ce 21 aoĂ»t dernier lorsqu’on la voyait tĂ©moigner et raconter son calvaire en vidĂ©o. Au Maroc et Ă  l’international, la communautĂ© avait tentĂ© de venir en aide Ă  la jeune fille de 17 ans Ă  coup de pĂ©tition (qui a rĂ©coltĂ© plus de 100.000 signatures). Toutefois les parents des accusĂ©s n’ont pas hĂ©sitĂ© Ă  laisser entendre que la jeune fille avait l’habitude de quitter le foyer familial, qu’elle buvait et consommait de la drogue. Pire, une « dĂ©-tatoueuse professionnelle » n’a pas hĂ©sitĂ© Ă  livrer un tĂ©moignage vidĂ©o pour remettre en question sa version allant mĂȘme jusqu’Ă  dire qu’elle se portait bien pour une fille violĂ©e, et que ses tatouages Ă©taient anciens. Une drĂŽle de façon de minimiser le calvaire vĂ©cu par la jeune mineure issue d’un milieu dĂ©favorisĂ©.

Toutefois, la justice n’a pas tenu compte du tĂ©moignage de cette « professionnelle » et douze des agresseurs prĂ©sumĂ©s ont Ă©tĂ© placĂ©s en dĂ©tention prĂ©ventive. Ils sont accusĂ©s de « traite d’ĂȘtre humain sur mineure », « viol », « torture et usage d’arme causant des blessures et sĂ©quelles psychiques », « constitution d’une bande organisĂ©e enlĂšvement et sĂ©questration » et « non assistance Ă  personne en danger« . Les agresseurs prĂ©sumĂ©s sont passĂ©s devant le juge d’instruction, nous en sauront plus lors de la prochaine audience qui se tiendra le 10 octobre 2018.

Oumaima Requas, la premiĂšre marocaine Ă  porter plainte pour harcĂšlement sexuel

Le 6 septembre dernier Ă  Casablanca, Oumaima Requas, une responsable administrative a dĂ©cidĂ© de ne pas se laisser faire par ses agresseurs. Alors qu’elle s’apprĂȘtait Ă  retrouver son mari, la jeune femme a Ă©tĂ© interpellĂ©e par trois hommes attablĂ©s au mĂȘme cafĂ© de l’avenue des F.A.R. «Ils s’adressaient Ă  moi, avec des regards lubriques, en murmurant des phrases et mimant des gestes Ă  connotation sexuelle, notamment des clins d’Ɠil abusifs», raconte-elle. «Je croyais qu’ils allaient arrĂȘter quand je m’installerais Ă  cĂŽtĂ© de mon mari. Mais les insultes ont continué», a-t-elle expliquĂ©. MalgrĂ© l’intervention de son Ă©poux, les trois hommes reconnus comme Ă©tant des humoristes ont continuĂ© jusqu’Ă  ce que les insultes fusent de part et d’autre.

Afin de ne pas laisser ces harceleurs agir en toute impunitĂ©, la jeune femme et son conjoint sont allĂ©s dĂ©poser plainte au commissariat le plus proche. Les accusĂ©s, entendus dĂšs le lendemain par le juge d’instruction ont demandĂ© pardon Ă  Oumaima afin qu’elle retire sa plainte. DĂ©terminĂ©e Ă  obtenir justice, la jeune femme a dĂ©cidĂ© de poursuivre la procĂ©dure. « En tant qu’activiste, j’ai toujours Ă©tĂ© scandalisĂ©e par le harcĂšlement sexuel Ă  l’Ă©gard des femmes, j’attendais impatiemment qu’on dĂ©crĂšte ce genre de loi. Alors quand j’ai Ă©tĂ© moi-mĂȘme victime de harcĂšlement, je n’ai pas hĂ©sitĂ© Ă  dĂ©poser une plainte pour voir si la loi allait vraiment ĂȘtre appliquĂ©e« .

On attend avec impatience le verdict dans cette affaire, et applaudissons cette nouvelle loi dont nous avions grand besoin. En espérant que désormais, les hommes penseront à deux fois avant de mal agir avec une femme. A bon entendeur.

 

 

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