Yousra Bouhmouch, entre passion et stratégie
l’ascension d’une étoile de la Télévision marocaine
Actrice marocaine prometteuse, Yousra Bouhmouch se démarque par sa polyvalence et sa sensibilité artistique. De la scène au petit écran, en passant par le grand, elle incarne avec justesse des personnages riches et complexes. Dans cet entretien, elle revient sur ses débuts, ses choix de carrière, ses inspirations et ses ambitions à venir.
PL : Yousra, tu as un parcours impressionnant, entre études de cinéma et de théâtre, et des rôles marquants à la télévision comme au cinéma. Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans cette aventure artistique ?
YB : Ça a été un véritable coup de foudre. J’avais 13 ans, au collège, lorsqu’on nous a proposé un cours de théâtre. Dès le premier cours, quelque chose s’est réveillé en moi. On devait jouer une scène — je crois que c’était Le Malade Imaginaire de Molière. Mise en scène, costumes, interprétation… on devait tout construire en binôme, et moi, j’étais fascinée.
Je suis tout de suite tombée amoureuse du jeu. De cette façon unique de raconter, de ressentir, de se transformer. Très vite, j’ai enchaîné les cours et les stages, au Maroc comme à l’étranger, bien avant même d’avoir le bac. À l’époque, c’était une passion pure. Je le faisais par amour, sans penser à une carrière.
Sur scène, je me sentais libre. Chaque rôle était une échappée belle, une parenthèse enchantée. Cette magie ne m’a plus jamais quittée.
PL : Ton premier rôle à la télévision, dans Rdat El Walida en 2019, t’a permis de te faire connaître. Ce personnage semblait pourtant à l’opposé de ta personnalité. Comment as-tu relevé ce défi ?
YB : Justement, ce que j’adore dans ce métier, c’est jouer des personnages qui ne me ressemblent pas. Plus ils sont éloignés de moi, plus ils m’attirent ! C’est un défi, mais aussi un vrai bonheur de pouvoir me transformer complètement, de changer ma posture, ma voix, ma façon d’être.
Lors de ma formation, on nous a appris à déconstruire nos automatismes pour tout reconstruire à partir du personnage. C’est une sorte de mue, un travail d’écoute et de précision. À chaque rôle, je découvre un nouvel univers, une nouvelle manière d’exister. Et c’est ça, au fond, qui me passionne.
PL : Tu aurais pu poursuivre ta carrière en France après tes études, pourtant tu as choisi de revenir au Maroc. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
YB : C’est vrai, j’ai étudié en France avec l’idée de bâtir une carrière à l’international. Mais à la fin de mon cursus, une opportunité s’est présentée au Maroc. J’ai choisi de revenir pour travailler tout de suite, plutôt que de rester à Paris à enchaîner les courts-métrages étudiants dans un milieu très fermé.
Ce choix ne signifie pas renoncer à l’international. Le cinéma marocain voyage ! Nos films sont présents dans les plus grands festivals — à Cannes, à Venise… Porter nos histoires et nos racines à l’étranger, c’est une ambition que je garde précieusement.
PL : Dem Machrouk, diffusée pendant le Ramadan, a connu un immense succès. Peux-tu nous parler de ton personnage et de ce que ce projet a représenté pour toi ?
YB : Dans Dem Machrouk, j’interprète Ghita, une jeune femme insouciante, avide de liberté et de plaisir. Mais tout change après le décès brutal de sa mère. Ce drame, mêlé à des secrets familiaux, l’entraîne dans une spirale d’excès et de manipulation.
Elle rencontre alors Miloud, un homme à l’opposé de son monde. C’est le coup de foudre. Elle quitte sa maison pour vivre avec sa belle-mère Rkia, interprétée par Dounia Boutazout.
Ce rôle m’a énormément touchée par son évolution. Rita change profondément : son style, son rapport aux autres, sa manière d’aimer… J’ai adoré explorer toutes ces nuances. Et surtout, Dem Machrouk a marqué un tournant dans mon parcours. Le public m’a accueillie avec une générosité bouleversante. Je suis reconnaissante à toute l’équipe — Connexion Média, Mohamed El Jamai, Mouad Ghandi, Ayoub Lahnoud — pour cette aventure inoubliable.
PL : Justement, selon toi, qu’est-ce qui explique le succès phénoménal de cette série ?
YB : Je pense que Dem Machrouk a su se démarquer par son audace. Elle aborde des thèmes rarement explorés à la télévision marocaine, avec une esthétique soignée et une grande justesse de ton.
Le casting y est aussi pour beaucoup. Chaque acteur a apporté une vraie profondeur à son personnage. L’intrigue, pleine de rebondissements, a captivé le public jusqu’au dernier épisode.
Et puis… la relation entre Ghita et Miloud a touché les cœurs. Beaucoup nous ont comparés à Rose et Jack ! Il y avait quelque chose de sincère, d’émouvant, qui a résonné chez les spectateurs.
PL : Tu disais avoir du mal à te regarder à l’écran à tes débuts. Aujourd’hui, quel regard portes-tu sur ton jeu et ton évolution ?
YB : C’est vrai qu’au début, me voir à l’écran, c’était très étrange… comme si je découvrais une autre personne. Mais avec le temps, j’ai appris à m’observer différemment, à m’accepter, défauts compris.
Je reste très critique, bien sûr. Je me dis souvent : « J’aurais pu faire ça autrement. » Mais je sais aussi que je donne le meilleur de moi-même. Et surtout, je ne cesse d’apprendre. C’est un métier en perpétuelle évolution, et je suis déterminée à avancer, encore et toujours.
PL : Et pour la suite, quels sont tes projets ? Quelles ambitions nourris-tu pour l’avenir ?
YB : Mon ambition, c’est de continuer à jouer, à raconter des histoires fortes, au Maroc comme à l’international. J’ai la chance d’avoir tourné récemment deux longs-métrages.
Dans La Guerre des 6 mois de Jilali Ferhati, j’interprète Rebecca, une Juive marocaine. Et dans Algues amères de Driss Chouika, je joue Hnia, un autre personnage très fort.
Mais au-delà de ces projets, je veux continuer à porter des récits marocains, à les faire rayonner au-delà de nos frontières. Raconter notre culture, nos réalités, nos rêves… c’est ce qui me fait vibrer.