Asmaa El Arabi : rencontre avec une drôle de dame

À seulement 25 ans, Asmaa El Arabi, alias « The Tberguig » n’est plus à présenter. Depuis plus d’un an et demi, la jeune humoriste interprète dans des vidéos hilarantes des personnages typiques de la société marocaine avec beaucoup de justesse. Mais qui se cache derrière cette « bergaga » ? 

À seulement 25 ans, Asmaa El Arabi, alias « The Tberguig » n’est plus à présenter. Depuis plus d’un an et demi, la jeune humoriste interprète dans des vidéos hilarantes des personnages typiques de la société marocaine avec beaucoup de justesse. Mais qui se cache derrière cette « bergaga » ? 

 

 

Asmaa El Arabi a grandi au Maroc avant de s’expatrier à Paris, New York et au Mexique. Depuis toujours, la jeune humoriste aime imiter les personnes qu’elle croise dans la rue, dans les administrations ou à l’épicerie du coin. Lorsqu’elle partage sa première vidéo sur Snapchat « juste pour rire », Asmaa ne s’attendait pas à un tel succès. Rapidement, la jeune femme, alors étudiante en école de commerce, se prend au jeu et imagine de nombreux personnages qu’elle met en scène dans des petits sketchs. Avec plus de 200  000 fans sur Facebook, chacune de ses vidéos fait un tabac. L’une d’entre elles a d’ailleurs récolté 1,6 M de vues.

 

Tu as tout d’abord commencé par créer un blog avant de te lancer dans les vidéos. Comment t’es venue l’idée d’imiter ces différents personnages ?

 

J’ai commencé par écrire des articles sur des phénomènes sociétaux comme les mariages, les vols de rue, le service de la poste pour La Nouvelle Tribune. Ça avait vraiment bien pris mais ça n’a duré que quelques mois. J’ai ensuite continué à écrire des articles en étant à New York, j’avais fait un Carrie Bradshaw, version Carrie Bratchouf. Mais je n’ai commencé à faire des vidéos que depuis 1 an et demi vraiment. J’ai toujours adoré l’acting, le fait d’imiter tous les corps de métier qui venaient à la maison, du plombier, en passant par l’électricien. On a toujours fait ça avec mes cousins. Il me semble que j’avais fait une blague à des amis sur Snapchat et ils m’ont dit qu’il fallait absolument que je publie cette vidéo ! Donc tout a commencé comme ça. Ma première vidéo ne faisait que 9 secondes. Face au succès, j’ai commencé à écrire un peu mes scènes et à faire des vidéos un peu plus longues. De 9 secondes, je suis passée à 15 secondes etc. Maintenant, on est à
4 minutes 30 voire plus sur certaines capsules.

 

Où trouves-tu l’inspiration ?

 

Scoop-idoobidoo, c’est la partie canine de moi-même qui renifle les scoops. Je repère très vite les potentiels personnages ou les échanges intenses, passionnés, expressifs des inconnus autour, et m’approche, observe, enregistre… Je suis naturellement quelqu’un de très empathique, j’absorbe de manière assez intense les émotions, les expressions, les énergies que dégagent les personnes avec lesquelles j’échange, c’est la raison pour laquelle les personnages nous semblent à tous familiers. Il faut dire qu’au Maroc, l’attention exacerbée que nous portons aux non-dits et autres sous-entendus dans nos interactions quotidiennes permet de développer une certaine sensibilité quasi universelle dans notre grille de lecture des autres. Il y a un langage corporel que nous, Marocains, avons plus de facilités à décoder et qui aide à comprendre l’autre de manière plus fluide. C’est l’expérience que j’en ai fait partout où je me suis temporairement installée.

 

Quel est l’objectif de ces vidéos ? Y a-t-il des messages que tu essayes de faire passer ?

 

Love, Laugh, Faith. (LLF). Bon cet acronyme n’existe pas mais je me suis toujours dit qu’il fallait s’armer d’anglicismes classes pour parler aux journalistes (rires). Plus sérieusement, dans ma conception des choses, si l’on arrive toujours à faire de la matière de nos quotidiens une raison de rire, et des êtres autour de nous des raisons d’aimer, nous avons tout gagné. Je ne suis pas à la recherche de potins ni de popotins (enfin, peut-être la seconde option) mais plus d’une observation juste, toujours sur la voie de l’affinement, des sociétés dans lesquelles nous évoluons. C’est un jeu de miroirs où la société comme moi-même nous renvoyons mutuellement nos propres images, nos propres reflets.

 

Tes vidéos font un véritable carton sur les réseaux sociaux, t’attendais-tu à un tel succès ? 

 

Non pas du tout. Ça s’est fait tout naturellement et je ne me suis jamais posé la question de savoir si ça allait marcher, si je devais faire telle ou telle chose pour que ce soit drôle. C’est mon humour de tous les jours que je partage avec les gens que j’aime et mes proches donc c’est génial que ça plaise au plus grand nombre. Je suis comblée face à ce débordement d’amour qui continue de croître…thank God. On est à plus de 2 millions de reach sur certaines capsules, je suis heureuse de pouvoir étendre cet humour toujours plus loin. Mais je prends toujours le temps d’écrire parce que cette dimension est importante pour moi, j’ai commencé par ça, c’est ma passion initiale donc vraiment l’écriture, les jeux de mots, c’est hyper important, même dans le format vidéo.

 

Combien de temps passes-tu à préparer une vidéo ? Quelles sont les différentes étapes ? T’entraînes-tu à imiter tes personnages avant d’effectuer la bonne prise ?

 

Le plus important pour moi est de conserver une trame en filigrane fondée sur l’écriture, les traits d’esprits, le verbe, sans que l’expression corporelle ne noie l’expression de ce verbe. Je ne m’entraîne jamais, devant ma glace ou autre. C’est très intériosé en fait. J’observe beaucoup, je visualise, je refais les scènes dans ma tête quand il y a des situations qui me marquent et après je le fais naturellement. On est à table par exemple et il y a la tante X ou Y qui vient de passer et qui me donne l’inspiration et l’envie de l’imiter. Ça vient comme ça.

 

Tu excelles dans l’art d’imiter les gens, as-tu pris des cours de théâtre ? 

 

Jamais de cours formels, il n’y a pas eu meilleure école pour moi que celle de la société marocaine et des rues casablancaises. C’est ce qui m’a donné la liberté de façonner mon propre observatoire interne de mon environnement, sans grilles de lecture préalable, et d’en faire ma signature sur mes capsules.

 

Quels sont tes projets futurs ? Comment envisages-tu l’avenir ? 

 

Je continue de développer de nouveaux formats sur les réseaux sociaux et les activités qui ont fait mon identité. En parallèle, j’ai lancé une agence de marketing –  storytelling qui s’appelle Silsila dans laquelle je développe des collaborations avec des marques qui me sollicitent pour des capsules, des web-séries… Je développe alors des vidéos comme j’ai l’habitude de faire mais sur des sujets qui touchent ces marques-là. Donc ça c’est pour la partie marque qui vient me solliciter en tant que The Tberguig mais je bosse aussi avec des marques sur leurs stratégies de branding avec une spécialisation réseaux sociaux.
Je suis également en train d’écrire un livre sur le Maroc contemporain et je m’oriente aussi vers le cinéma. C’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. Et bien sûr, je compte faire un spectacle mais pas tout de suite. J’ai envie de faire un bon one-woman show qui puisse reprendre toutes ces histoires-là, entrecroisées dans une seule grande histoire, qui mêlera tous les personnages que j’ai pu développer jusqu’à présent.