Baccalauréat et ramadan: la session de tous les défis

Hamza, un étudiant en deuxième année du baccalauréat, branche sciences mathématiques, ne sait pas à quel saint se vouer. A mesure qu’approche la date fatidique des examens du baccalauréat, qui coïncideront cette année avec le mois de ramadan, le jeune homme est pris d’une angoisse invincible qui lui ôte sommeil et appétit.

Car, le jeûne semble être une véritable épreuve d’endurance qui s’ajoute aux épreuves de ce jour tant redouté et à la pression de la famille pour qui le baccalauréat est plus qu’une étape de la vie scolaire, une porte d’avenir. Dans de telles conditions, Hamza, à l’instar de plusieurs parmi les 432.000 candidats environ attendus à la session du baccalauréat de juin 2016, n’est pas sûr de pouvoir assurer.
 
Cela fait plusieurs années que la session normale du baccalauréat ne s’est pas tenue pendant le mois de ramadan. Entre la faim, la soif (le ramadan coïncide aussi avec la période estivale), le stress et le manque de sommeil, la partie sera difficile et les bacheliers devraient mettre les bouchées doubles pour la gagner. Si certains tentent de garder leur sang-froid et de mettre toutes les chances de leur côté en multipliant les heures d’études et les cours supplémentaires, convaincus que leur ambition et détermination auront raison de la faim, de la soif et de tous les autres obstacles, d’autres broient du noir en voyant le «Jour J» approcher à grands pas, et sombrent de plus en plus dans l’anxiété, voire la dépression.
 
Cette situation s’avère aussi pénible pour les bacheliers que pour leurs parents. Face à la détresse de son fils, la maman de Hamza, une femme au foyer, est complètement désemparée. «Mon fils, d’habitude social, jovial et pas du tout sédentaire, a beaucoup changé durant ces dernières semaines. Il sort maintenant rarement, passe le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre et a des cernes sous les yeux. A table, il est absent, silencieux et ne finit jamais son assiette. Quant aux études, il les a désormais en horreur, lui qui était si brillant et si estimé par ses professeurs. Je suis très inquiète pour lui», confie-t-elle à la MAP.
 
Sans doute, la perspective de passer à jeun – et avec obligation de résultat – un examen aussi déterminant que le baccalauréat, avec toute la charge symbolique et toute l’aura et le «prestige» que lui confèrent à tort ou à raison les familles marocaines, ne peut que rajouter aux soucis de Hamza et de ses «confrères» qui se sentent pris dans un engrenage qui les dépasse.

Que faire? Abandonner la partie et sacrifier toute une année d’études? Reporter le jeûne après les examens, quitte à éprouver des remords et devenir la risée de la famille et des camarades? On dirait que les élèves et leurs parents sont devant un choix cornélien entre le devoir religieux qui doit être accompli, et l’avenir estudiantin et professionnel qui doit être construit et dont le baccalauréat est la pierre angulaire. Si pour la maman de Hamza, il n’est pas question que son chérubin faillisse au quatrième pilier de l’Islam sous quelque prétexte que ce soit, Mohamed, cadre supérieur dans la fonction publique, ne voit rien de mal à ce que les élèves rompent le jeûne durant les jours des examens puisqu’il s’agit, pour reprendre ses termes, d’un «cas de force majeure». Il en a même fait la proposition à sa fille bachelière. «J’ai beau lui expliquer que dans pareils cas, la nécessité fait loi et qu’elle peut compenser les jours qu’elle n’a pas jeûné après le ramadan, rien n’y est fait. Elle est déterminée, coûte que coûte, à se présenter à jeun aux examens. Il semble qu’elle prend cela comme un défi personnel et je ne peux que lui souhaiter bon courage», dit-il non sans fierté.

Le professeur Abdelmajid Loukili, directeur du centre Najah de formation, coaching et conseil, n’est pas contre la rupture du jeûne par les élèves qui passent les examens pendant le ramadan. Si, pour lui, il était plus judicieux et plus logique de reporter la date des examens pour permettre aux élèves de faire le ramadan, il n’empêche que les candidats peuvent, à défaut, arrêter le jeûne durant la période des examens s’ils sont fragiles physiquement et si le jeune, couplé à la fatigue et au stress, est susceptible de leur causer des problèmes de santé (évanouissement, fièvre…). «Je reçois dans mon cabinet plusieurs élèves et parents pour qui cette question – baccalauréat et ramadan – constitue une source d’occupation principale. D’autant plus que les épreuves se dérouleront les premiers jours du ramadan, une période qui se caractérise par tout un chamboulement du rythme de vie et du système alimentaire, une baisse de la concentration… pour pouvoir tenir le coup, je leur conseille de manger bien et équilibré après la rupture du jeûne et avant l’aube, et d’emmener avec eux, à la salle d’examen une bouteille d’eau et quelques dattes afin de parer à tout incident de santé».

En attendant le 7 juin, date de début des examens, nos braves bacheliers n’ont qu’à prendre leur courage en main et bien se préparer, scolairement mais aussi mentalement et psychiquement parlant, tout en observant quelques règles d’or: bannir, autant que faire se peut, le stress, l’anxiété et les idées noires, s’armer d’espoir et d’optimisme et, surtout, ne pas surestimer la tâche et garder confiance en soi.