Rencontre avec Jamel Debbouze, blague à part

À l’occasion de la 8e édition du Marrakech du Rire, « Plurielle » a tendu le micro à un homme drôlement franc. Conversation sans filtres. 

À l’occasion de la 8e édition du Marrakech du Rire, « Plurielle » a tendu le micro à un homme drôlement franc. Conversation sans filtres. 

 

 

 

Les Français et les Marocains ont-ils le même sens de l’humour ? Rit-on de la même chose partout ? 

 

Non, ils n’ont pas le même humour heureusement, sinon les Français seraient Marocains et les Marocains seraient Français et ça ne serait pas intéressant. Il y a une vraie différence dans le rythme, dans les sujets… Ce sont deux musiques complètement différentes. Il s’agit d’une musique, c’est ça ce qu’il y a en commun, c’est de l’humour et la finalité c’est le rire. Ils sont autant subversifs l’un et l’autre. Il y a énormément de différences mais aussi énormément de points communs et c’est ça qui fait le charme des deux. Les mêmes blagues en France et au Maroc pourront avoir le même impact. Après, cela dépend de qui les reçoit et quand. Je pense qu’on peut rire avec n’importe qui mais pas n’importe quand. Il y a des questions de timing mais tous les sujets peuvent être abordés.

 

Qu’est-ce qui vous fait rire ?

 

Moi, il faut me surprendre. Le propre du rire c’est la surprise. Si tu l’enveloppes bien et que tu fais en sorte de bien me la raconter et que la chute me surprend, je vais rire, peu importe la langue. Regardez, la personne qui nous a fait le plus rire, celui qui est rentré dans toutes les chaumières au monde, c’est Charlie Chaplin, et il n’a pas utilisé un seul mot, seulement son corps. Donc évidemment, l’humour est universel. Après, nous, les humoristes, nous allons y mettre des nuances qui sont les mots mais le rire c’est la même mécanique pour tout le monde, pour tous les peuples. C’est comme manger ou dormir. Il y a des trucs comme ça communs à tout le monde. La forme change mais le fond reste le même.

 

Qu’est-ce qui reste encore, selon vous, à accomplir ?

 

Beaucoup de choses ! On est là à nous diviser matin, midi et soir, à nous expliquer que nos religions et nos différences peuvent être des barrières alors que moi je suis convaincu que c’est tout le contraire et la manière de le prouver c’est la culture. La culture c’est un moyen extraordinaire de retrouver des gens complètement différents autour d’une table et d’apprécier ensemble un tableau ou une musique. La culture a cette force de rassembler et de faire reculer l’obscurantisme.

Cette 8e édition est un grand succès, à quoi rêvez-vous pour la suivante ?

 

Que ça continue ! Vous savez, c’est la meilleure édition qu’on ait faite ! Je dis ça chaque année mais c’est la vérité. Chaque année on s’améliore, chaque année les gens veulent mieux faire, chaque année les artistes nous sollicitent, chaque année on se retrouve à refuser davantage de monde. Donc franchement « hamdoullah » comme on dit chez nous, on a une chance extraordinaire, on ne va pas la bouder. Ce que je nous souhaite pour les 10 ans, euh pardon, 9 ans ! Je suis déjà en train de réfléchir aux 10 ans vous voyez (rires). On parle des 9 ans ? L’édition des 9 ans est déjà écrite (rires).

 

Pensez-vous avoir formé une sorte d’école du rire avec le Jamel Comedy Club ? 

 

Oui bien sûr. Vous savez, quand Mamane monte son festival, le « Abidjan Festival du rire » ou quand je monte le Jamel Comedy Club, c’est une école. Et on les voit arriver les gamins qui veulent faire ce métier. Par exemple, il y a des artistes qui sont nés avec nous, que ce soit au Jamel Comedy Club ou au Marrakech du Rire comme Malik Bentalha et Ahmed Sylla. Ce sont devenu des artistes majeurs aujourd’hui, comme le sont Gad Elmaleh, Florence Foresti, Jamel Debbouze (rires) ou encore Laurent Gerra. D’ailleurs, à travers le monde, de nombreuses personnes montent des Comedy Club et nous envoient des photos, c’est formidable ! Alors c’est vrai qu’on n’a pas inventé le principe évidemment, mais à Lyon, à Bordeaux, ça s’appelle le Jamel Comedy Club, il y a aussi l’Abidjan Comedylab en Côte d’Ivoire… On a l’impression d’avoir créé un mouvement comme le hip-hop presque, et ça maintenant c’est à vous de vous l’accaparer. On sait que les gens viennent et il faut ce servir de cette émulation à bon escient.