Bonheur à tout prix : mais pourquoi se mettre la pression ?

Positive attitude exagérée, joie de vivre outrancière, fun forcé (…), se montrer heureuse se pose aujourd’hui comme un devoir, au risque de produire l’effet contraire sur notre moral. Et si on remettait les pieds sur terre ?

 

A l’avoir trop uniformisé, le bonheur a fini par se muer en diktat. Un diktat dont nous, actives new age, sommes devenues les esclaves consentantes. Ne pas exhiber une félicité quotidienne, est limite un aveu d’échec dans la réalité faussement parfaite d’Instagram. En quoi est-ce pernicieux ? Eh bien c’est un peu comme l’orgasme, si on le simule, cela signifie que l’on est en train de passer à côté. Sans compter que se conformer de force à un mindset marketé de A à Z est le chemin le plus sûr vers un spleen fracassant.

 

« Tout comme la pression de l’excellence, de la carrière grandiose et plein d’autres concepts que l’on nous assène depuis quelques années, la pression du bonheur est le fruit de deux inventions socio-culturelles : la mode des Gourous spirituels et l’apparition des réseaux sociaux » précise Imane Haddouche, coach de vie.

 

Pour la spécialiste, l’avènement des guides en développement personnel et l’étalage de la vie des « socialites » ont induit beaucoup de monde en erreur. « Les gens passent désormais leur temps à s’épier, à se comparer et à se gaver de théories grotesques voire contradictoires sur ce à quoi leurs existences devraient ressembler ».  Pour ne pas avoir l’air hors du coup, il faut surjouer, prétendre et reproduire les attitudes de ceux/celles à qui tout réussit en apparence. De quoi s’essouffler vite fait et oublier qui on est dans le fond. Le piège est posé !

 

YOLO, photos & Assumption Law

Ayant ravi sa place au classique carpe diem, le terme Yolo (you only live once) a donné lieu à une course effrénée aux plaisirs instantanés et instagrammables. Si le bonheur ne se reflète pas sur une myriade de postes, peut-on le nommer ainsi ?

 

« Nos sociétés sont de plus en plus axées sur le paraître. Il y a ce besoin permanent de se montrer pour prouver à la collectivité mais aussi à soi-même que l’on est épanoui(e). Le bonheur passe dorénavant par la validation d’autrui. On veut juste cocher des cases indiquant la réussite et répondant aux interrogations du groupe » confirme Chainaz Mokhtari, psychologue clinicienne.

 

Vient ensuite la longue liste des méthodes ubuesques censées transformer nos journées, nos semaines puis nos années en prodigieuses success stories. Dernière en date l’Assumption law, petite sœur de la célébrissime loi de l’attraction.  Elle consiste en gros à se projeter dans des délires professionnels et financiers XXL pour les voir se concrétiser par magie. Ou comment lier son épanouissement au matériel et se sentir misérable lorsque le principe ne se vérifie pas dans 90% des cas. « La conception du bonheur telle qu’elle est véhiculée de nos jours génère frustration et panique.  On a peur de ne pas accéder à la vie rêvée, on angoisse à l’idée de ne pas refléter ce que l’on croit être l’image de la réussite. Le casting du mal-être est complet… ».

 

Au final le bonheur c’est quoi ?

Inutile de chercher une définition unique, elle n’existe pas ! Une chose est sûre, le précieux Graal commence par la paix avec soi-même et une acceptation de ses émotions les plus contradictoires : Contentement, tristesse, ambition, flemme, altruisme, envie, générosité, égoïsme, sérénité, colère… « Il est primordial d’embrasser tous nos états d’âme, nos hauts et nos bas pour pouvoir reconnaître le bonheur quand il frappe à notre porte. » nous dit la psychanalyste.

 

Pas la peine non plus de vouloir reproduire des schémas, ni de se laisser influencer, ce serait aller au-devant d’énormes déceptions. « Le bonheur est une affaire très privée, une notion à laquelle chacun (e) doit donner un sens personnel. On ne peut pas cumuler un 10 partout, ni être en permanence au top et vous savez quoi ? Ce n’est pas grave ! » rassure la coach, qui préconise en revanche de ne pas se laisser emballer par de faux-semblants ou des recettes miracles vendues par des guides sortis d’on ne sait où.

 

«La vraie positive attitude réside dans l’appréciation des petits cadeaux de l’existence et dans le lâcher prise face à ses travers…».  En gros prendre la chose comme un voyage intérieur et non une injonction.