Viol à Casablanca: « Les femmes ne sont pas vraiment admises dans l’espace public »

Ces derniers jours, de nombreuses affaires ont fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il y a d’abord eu la vidéo d’une jeune femme poursuivie par une horde d’hommes à Tanger, les actes de zoophilie sur une ânesse et, ce début de semaine, la vidéo terrifiante d’une agression sexuelle collective dans un bus.

 

 

 

Même si ces actes ont été condamnés par l’opinion publique, il est toutefois clair que la place de la femme dans la société marocaine est mise à mal. Toute citoyenne marocaine n’arpente pas les rues sereinement.

 

 

Se retrouver dans l’espace public revient à confronter le regard des nombreux hommes qui investissent cet espace comme s’il leur appartenait. Sortir dans la rue relève donc parfois du parcours du combattant pour la femme qui devra s’habiller en fonction du quartier dans lequel elle sera amenée à sortir.

 

 

 

Depuis que l’atroce vidéo du viol a été publiée ce lundi sur les réseaux sociaux, les femmes ont organisé un sit-in mercredi 23 août dans plusieurs villes du Maroc afin de condamner ces actes et prôner le respect de la femme.

 

 

 

 

Mais comment en sommes-nous arrivés là?

 

 

Soumya Naamane Guessous, sociologue et militante féministe marocaine, nous donne quelques éléments de réponse. Selon l’auteure de Au delà de toute pudeur, la sexualité au Maroc, « auparavant, les viols se faisaient dans le secret et les familles étaient là pour couvrir le scandale ».

 

Aujourd’hui, la donne a changé avec l’utilisation d’internet et des réseaux sociaux. Selon la sociologue, les jeunes sont en quête de célébrité et souhaitent l’atteindre à tout prix. La scène du bus témoigne de l’anarchie qui règne. Les jeunes garçons se sont filmés pour montrer au monde leur « virilité » et leur « pouvoir », sans pour autant être arrêtés ni par le chauffeur de bus, ni par les témoins, ce qui est inquiétant.

 

 

 

Selon Soumaya Naamane Guessous, « la circulation des femmes dans l’espace public est très récente, mais elles n’y sont pas vraiment admises. La femme est de plus en plus menacée par des voyous », estime-t-elle.

 

 

Une menace liée au radicalisme religieux, au manque d’éducation parentale et au système éducatif défaillant. La sociologue rappelle également que les prêches, dans certaines mosquées, appellent au non respect de la femme. La femme est vue comme un péché, comme si elle pouvait menacer l’honneur des hommes.

 

 

 

La sociologue s’inquiète ainsi pour la sécurité des femmes dans l’espace public: « Si la victime avait appelé les secours, se seraient-ils déplacés pour lui venir en aide ?». Elle ajoute « lorsque l’on appelle les secours, après un temps d’attente très long, l’interlocuteur demande « Kayn dem ? » (y a-t-il du sang qui coule ?).

 

 

 

Pour la sociologue, il est ainsi primordial que les autorités condamnent ce type d’actes et accordent des peines à la hauteur du préjudice. « Justice sera faite si le chauffeur de bus est également incriminé pour non assistance à personne en danger ». Car pour la militante féminine, « lorsque l’on est citoyen, nous avons des devoirs, mais également des droits : celui d’être en sécurité ».